Troisième semaine, suite et fin!

Cléa, Pierre et Gaspard.

Les aurevoirs sont difficiles. Surtout pour Gaspard qui redoute la suite. Alors, ils lui promettent de se revoir le mercredi jusqu’à ce qu’il aille mieux. Chacun a conscience d'avoir vécu un moment hors du temps. Après que Gaspard et Cléa ont appelé pour rassurer l’un, ses parents, l’autre, le collège, ils se sont assis autour de la table. Cléa, étrangement apaisée, a parlé de son mal-être adolescent. Gaspard a écouté, se sentant compris pour la première fois. Pierre les a observés, cherchant dans les traits de sa fille, celle qu’il avait quittée vingt ans plus tôt. Puis, il a offert à Gaspard la bague scorpion. Emu, l’ado l’a remercié en serrant au creux de sa main le précieux talisman qui venait de changer sa vie. Leur vie.

 Pierre.

Avant de fermer boutique, Pierre suit toujours le même rituel. Il recouvre sa vitrine d’un épais rideau pourpre qui protège ses précieux cailloux des rayons de lune. Mais ce soir, il le fait machinalement, préoccupé. Les mercredis se suivent et Gaspard va mieux. L’ado se redresse petit à petit au fil de ses échanges avec Cléa. Pierre bénit ses moments passés auprès de sa fille. Il se délecte des discussions qui suivent le départ de Gaspard. Une relation forte, complice, se noue indéniablement. Mais la situation ne peut pas durer. Il ne peut plus continuer à mentir. Cléa doit savoir qui il est. Pierre est terrorisé par cette idée. Prendre le risque de tout lui avouer, c’est prendre le risque de la perdre une deuxième fois !

 Cléa. 

Aujourd’hui, pour la première fois, Gaspard a ri aux facéties de Pierre. D’un rire différent de ceux que Cléa connaissait. Il était vrai, sincère, synonyme de son mieux-être. Cléa est en passe de réussir son pari, sortir Gaspard de sa souffrance. Elle aussi va mieux. Est-ce son implication auprès de l’ado ou la présence bienveillante de Pierre qui lui fait du bien ? Cet homme l’allège. Sa vision de la vie l’amène à réfléchir au sens de la sienne. Et toujours cette impression tenace de le connaître depuis longtemps ! Parfois, en sa compagnie, des images de son enfance passent, subrepticement. Elle ne parvient ni à les saisir, ni à en comprendre le sens. Elle l’a dit à Pierre. Il a pris une profonde inspiration puis s’est mis à parler…

 Gaspard.

Gaspard stresse. Il doit annoncer à Cléa et à Pierre qu’il n’a plus besoin de leur rendez-vous hebdomadaire. Il ne sait pas trop comment s’y prendre. Il ne les remerciera jamais assez d’avoir été là pour lui. Bien sûr, il passera voir Pierre au magasin mais Cléa est sa prof de maths et la situation commence à le gêner. Sa mini fugue a eu l’effet d’un électrochoc pour ses parents. Depuis, leur relation a complètement changé. Pour l’heure, il se sent mal. Un silence pesant règne dans la boutique. Pierre et Cléa, d’habitude complices, se tiennent loin l’un de l’autre. Gaspard les interroge du regard pour comprendre ce qu’il se passe. Pierre finit par soupirer et lâche un : « je dois te dire quelque chose d’important ».

Cléa.

 Les explications ont été houleuses. Cléa a déversé sa colère. Pierre a attendu qu’elle soit suffisamment apaisée pour lui livrer sa vérité. Cléa n’a jamais reçu les courriers qu’il lui envoyait chaque semaine, jusqu’à ce que sa mère disparaisse sans laisser d’adresse. Elle n’a jamais lu les « je t’aime » et les « tu me manques ». Pourtant, la petite fille de l’époque croyait encore aux princes et aux citrouilles qui se transforment en carrosse. Elle l’a attendu, en vain. Les paroles de sa mère, lui répétant sans cesse que son père l’avait abandonnée, ont fini par gagner. Aujourd’hui Cléa ne sait plus qui croire. Mais elle a trop souffert de son absence pour refermer la porte. Alors, elle a décidé de laisser une chance à son père.

Cléa.

 Il est des réchauffements climatiques plus joyeux que d’autres. Alors qu’au Pôle Nord, la fonte de la banquise affole les scientifiques, chez « Pierre et cailloux », le soleil brille et fait le bonheur de son propriétaire. De longs mois et d’âpres discussions ont été nécessaires pour renouer le lien. Mais depuis quelques semaines, Cléa se sent renaitre. Elle n’est plus en quête d’un homme. Le seul dont elle n’a jamais eu besoin est maintenant à ses côtés. Pour les autres, elle se laisse le temps. En attendant, elle tente de pardonner à sa mère. Pourquoi l’avoir privée d’un père ? Pierre est plus indulgent, il l’excuse presque. Il ne veut plus perdre de temps à ressasser le passé. Ils se sont retrouvés et c’est bien là le principal.

Epilogue .

Cléa, Pierre et Gaspard ne remercieront jamais assez le hasard de la vie. Jusqu’à leur rencontre, tous trois étaient lancés dans une quête d’amour éperdue. Cléa cherchait sans fin un homme pour remplacer son père, le quittant systématiquement de peur d’être à nouveau abandonnée. Pierre avait renoncé à sa fille, calfeutrant le trou béant de son cœur avec ses cailloux. Quant à Gaspard, s’il cherche encore le sens de la vie, il n’est plus seul. Il peut maintenant compter sur ses parents.

Ils forment un tout, chacun ayant participé au mieux-être de l’autre. Cléa et Pierre vont continuer leur route ensemble, plus proche que jamais. Gaspard saura où les trouver en cas de besoin. Mais aucun n’oubliera jamais ses vingt et un mots passés ensemble.