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Hugo-Hart

Il y a 1 an | 374 vues

Mon "feuilleton" dans son intégralité

#1

Ah, un nouveau défi pour moi, que je relève volontiers ! Imaginer un feuilleton publié chaque jour pendant trois semaines ! Je me sens déjà avoir le génie d’Alexandre Dumas. En toute modestie bien sûr !

Voyageant cet été dans le métro aérien à bailler aux corneilles, je relevais les yeux. J’avais eu l’étrange intuition que quelqu’un me regardait. Effectivement, une fille assise sur le strapontin, face à moi, baissa brusquement les yeux. 

Blonde, avec des taches de rousseur sur ses pommettes et sur son petit nez retroussé, elle avait des yeux noirs sous des cils recourbés. Un short rouge sur de longues jambes pâles, un top blanc à l’encolure détendue qui laissait voir la vallée entre deux seins volumineux pour sa silhouette fine.

#2

Certainement, la fille sentit à son tour mon regard. Elle retourna la tête vers moi, et nos yeux se verrouillèrent. Lentement, ses lèvres pulpeuses s’ouvrirent sur un sourire éclatant et elle balaya ses dents d’une langue humide.

Je baissais mon regard vers mon téléphone. Mais, comme attiré par un aimant, je ne pus m’empêcher de la zieuter à nouveau. Bingo, elle avait encore ses prunelles incandescentes dardées sur moi.

Je me sentis rougir, tout en éprouvant dans mon bas ventre les légères pulsions que chaque homme connaît bien. Mais mes yeux n’arrivaient pas à se décrocher des siens, et les poils de mes avant-bras se redressèrent par suite d’une fort agréable chair de poule.

#3

À l’arrêt suivant du métro aérien, la fille se leva. « Ah, zut, elle descend là. C’est dommage » et je me mis à regarder le ciel ou s’effilaient les cirrus du beau temps. Elle n’était pas sortie. Au moment même où je fis ce constat, je réalisai qu’elle était en train de s’asseoir sur le siège face au mien. Nos genoux nus se touchèrent.

— Bonjour, bel inconnu timide, me dit-elle avec un sourire coquin.

— Heu, bonjour, jolie mademoiselle. Vous draguez souvent les garçons comme ça dans le métro ?

— Non pas du tout. Mais j’ai été attirée par votre silhouette et vos yeux ténébreux…

#4

— J’ai été attirée par vos yeux ténébreux...

— Ténébreux ? C’est pas une couleur, ça, ténébreux. Ils sont banalement bruns ou marrons. Quant à vos yeux d’obsidienne, ils m’évoquent le mystère, le secret et me donnent envie de m’y plonger…

— Ah, obsidienne c’est une couleur ? Ils sont noirs me semble-t-il !

—  Exactement, noirs comme le jade chinois qui est le plus cher, parce que le plus rare !

— Mais en fait, là, c’est vous qui me draguez à donf ! Vous êtes en manque, vous n’avez pas de copine ou vous voulez en changer…

— Je n’ai pas de copine officielle, et oui, je suis en manque d’inspiration, de fonds, de projets et de buts. Éventuellement de sexe, mais ce n’est pas quelque chose à proférer dans les cinq premières minutes…

#5

— Ah bon ? Ma maman m’a toujours dit qu’un homme qui avait un coup de foudre pour une nana et qui ne lui avouait pas sur le champ était un loser destiné à errer de masturbation en masturbation, alors que… Vous voyez ce que je veux dire ?

— Je vois que vous êtes audacieuse et que vous m’invitez à venir chez vous à boire un verre afin que j’évite de sombrer dans les marécages de l’onanisme ! J’en conclus donc que soit vous n’avez pas de petit ami...

— Oh oh, onanisme, monsieur a de la culture et veut le faire savoir ! Alors oui, j’ai un petit ami, mais je veux goûter à tous les plaisirs avant de lui pondre les mouflets dont il me rabat les oreilles.

Et tel un coquelicot dans le vent, sa langue rouge ondulait sur ses dents blanches.

#6

— Et donc, oui, accompagnez moi à mon travail et ce soir nous irons prendre un verre.

— Ah, vous ne savez pas aller toute seule à votre boulot ?

— Z’êtes un farceur vous ! Bien sûr que je sais où je bosse, c’est à la Grande Boutique ! Mais il me reste quatre minutes pour pointer sinon mon petit chef va encore hurler. Après, vous m’accompagnez à mon stand, celui des frigos. Et comme ça, vous savez où venir me repêcher ce soit à 18 heures.pour aller boire le verre que vous m’offrirez dans votre bistro préféré.

Nous sortîmes en hâte du métro, arrivâmes en sueur à la fameuse Boutique où elle pointa avec une seule minute de retard, sous l’oeil vachard d’un vieux mec en blouse grise aux bacchantes en arc de cercle .

#7

Avec décontraction, elle passa à son vestiaires y échanger son sac à main contre une blouse d’un gris qui n’allait guère avec ses yeux. Elle m’entraîna avec elle à l’autre bout du magasin n’omettant pas de moucharder auprès de ses collègues en me présentant comme son ange gardien. Et tirant une langue mutine à chacun de ses collègues masculins.

— Bon, lui dis-je, maintenant que je sais où, je reviens ce soir.

— Hop, hop, hop ! Savez-vous mon bel ami, que c’est la journée des ventes privées à moins 30 % sur toute la gamme de mes frigos. Laissez-moi vous les montrer en détail.

— Chère amie, mon petit studio est déjà équipé d’un frigo de base qui marche bien et donc je n’ai aucun besoin d’un nouveau. 

#8

— Un frigo de base ? sans deux étages de congélation, sans le triple tiroir aux légumes, sans la connexion internet, sans…

— … effectivement, sans rien de tout ça, mais avec le froid nécessaire pour ma bouteille de lait, mes yaourts et ma barquette de fraises.

— C’est quoi ton prénom, mon chou ? Parce que, laisse-moi te dire que si ça se trouve, tu as droit à une remise supplémentaire. Et se rapprochant de mon oreille elle murmura « En plus je couche avec toi ce soir si tu me l’achètes, petit veinard. Ah, je vais te faire grimper aux rideaux de ton studio !

Très étrange promesse, édictée de la voix caverneuse d’une sorcière. Alors vraie jouissance ou ordalie infernale infligée par morsures et flamme d’une bougie ?

#9

— Holà, dites donc, que vous draguiez un pauvre type dans le métro, passe encore, mais que vous promettiez à chaque client de votre boutique de le faire grimper aux rideaux à condition qu’il lâche plusieurs centaines d’euros dans un truc dont il a pas besoin, je trouve que vous poussez le bouchon assez loin…

— Non mais, dites-donc, s’écria-t-elle à voix suffisamment haute pour tout le rayon s’arrête et que les regards convergent vers nous, vous n’avez pas honte de draguer les vendeuses avec vos mots salaces et vos mains baladeuses ! Cochon, va ! Scorpion putride ! Que quelqu’un appelle la sécurité ! Josiane ! Préviens le chef et viens m’aider plutôt que de rire comme ça !

#10

— Ah, ton ange gardien est un sadique, un dragueur ou un pauvre mec qui a cru à ta tactique de vente privée, lui répondit Josiane dans un éclat de rire.

— Ah, parce qu’en plus, le discours de cette mythomane sur les ventes privées et les réductions sur le prénom ad-hoc de ses victimes est faux. Eh bien, bravo la Boutique d’embaucher des bonimenteuses comme celle-ici, dis-je, avec gourmandise, au petit chef à la blouse grise qui arrivait en trottinant.

Pendant qu’il s’engueulait avec miss ‘’yeux d’obsidienne’’, j’en profitais pour m’extirper et retrouvais le grand air extérieur avec soulagement.

#11

Que c’est bête et influençable un garçon en manque de caresses ! Cette nana m’avait excité et ses insondables yeux adamantins me hantèrent toute la journée. Des éclats durs mais diablement envoutants qui torpillèrent tous mes projets de révision pour mon partiel du surlendemain  !

Du coup à 18 heures, douché, lavé, peigné et ayant troqué mes vieux sous-vêtement pour un slip de classe propre et quasi neuf, j’arrivais par hasard au rayon frigo de la Grande Boutique.

Elle était fort occupée à convaincre un petit vieux de lâcher mille euros pour jouir d’un frigo de dernière génération.

#12 

Me voyant elle abandonna le vieux en une seconde.

— Ah je savais bien que tu ne saurais pas résister à mes charmes. Enlève-moi et je t’offre mon corps en échange d’une promesse.

— Euh, si c’est l’achat de ton frigo, c’est toujours non !

— Oh, qu’il est bête ce garnement ! Parce que tu crois naïvement qu’un seul frigo te suffira pour me posséder. Mais aujourd’hui je t’offre un échantillon gratuit.

Arrivés dans sa chambrette sous les toits, elle me poussa sur un pouf, s’éloigna le plus possible et commença un effeuillage lent, lascif et prometteur.

Bientôt, devant moi, dans le rayon cru de la forte ampoule pendue au plafond, j’eus la brève sensation d’être sous le soleil grec et d’admirer une belle cariatide dans une pose coquine.

#13

Hélas, elle ne plaisantait pas la gueuse quand elle parlait d’échantillon gratuit. A se dénuder devant moi, elle m’avait définitivement allumé. J’avais du mal à rassembler mes idées, car j’étais obsédé par mes envies.

Mais elle aussi semblait obsédée. Par obtenir du fric de ma part, quoi qu’il en coûte, comme dit l’autre.

Néanmoins pointait en moi l’idée que le prix d’un massage dans un salon thaï, chinois ou japonais de Paris était bien moins cher que son foutu frigo.

Je décidais de partir. Il me fallait faire vite, pendant qu’elle était en train d’enfiler un jean taillée pour une fillette de 14 ans alors qu’elle en affiche 34.

#14

Je sautais à la porte, et descendis la volée de marches en prenant de vrais risques. Elle hurlait à la trahison, mais déjà sa voix s’estompait.

Pour me calmer les nerfs, je me dirigeais vers un salon asiatique de massage tantrique. Je fus accueilli par une vieille chinoise portant des boucles d’oreilles effarantes. Imaginez donc, à droite et à gauche deux énormes anneaux de cuivre distendant le lobe de l’oreille. De profil elle me sembla être la planète Saturne, lourde et lente.

Heureusement la masseuse était une très jeune fille d’apparence timide, mais souriante.

#15

La diablesse, lorsque je fus nu sous ses mains agiles, perdit sa timidité et devint par magie une sorcière audacieuse. 

Elle pesait de tout son poids sur mes reins, ma colonne vertébrale. C’était à la fois douloureux et divin. Quel savoir-faire ! Je gémissais sans plus savoir si c’était de douleur ou de contentement.

Lorsqu’elle me demanda de me retourner, je craignis quelques instants qu’elle se croit obligée de rouler mes chairs comme elle l’avait fait pour mes fesses et mes épaules.

Mais non. Après m’avoir frôlé avec une plume, elle prit en main ce que nombre d’hommes – dont moi – appelons intimement notre talisman. En quelques minutes, avec force huile et chaleur, elle en fit l’appendice le plus fier de ma cosmogonie.

@16

Ah le bel et noble appendice ! Vibrant d’impatience, pourpre d’extase, il ne résista guère longtemps à la fougue de ma sorcière. Et c’est avec force et vigueur qu’il exprima son apothéose, pour mon plus grand soulagement.

Finalement, détendu et la tête encore pleine d’étoiles, je me décidais à rentrer chez moi et à me plonger dans mes révisions. Mais avant de partir, j’offris à la belle un pourboire mérité et lui demandait son prénom et ses heures de présence au salon. Aurais-je donc l’idée d’y revenir ? Eh, pourquoi pas ? Elle était belle, douce, experte, même si son français était prononcé avec des intonations inhabituelles. Mais combien de Français sont capable de parler mandarin et d’être compris par les Chinois ?

#17

Les jours passant, je ne pouvais plus résister. Je dépensais toutes mes économies dans mes visites chez la vieille Saturne pour y voir la douce LinLin. A un point tel, qu’un jour la vieille maquerelle, subrepticement, me suggéra d’épouser LinLin. 

Je fus surpris. De quoi se mêlait-elle ?

Quelques jours après, alors que nous attendions « ma » LinLin retardée par une panne du métro, la patronne me confia son secret.

— Je protège ces filles qui arrivent illégalement en France en leur proposant un mariage blanc avec un homme en qui elles pourront avoir confiance. Elles acquièrent d’un seul coup leur visa de séjour tandis que le gars est payé en nature au salon où tout devient gratuit pour lui.

#18

— Euh, c’est noble de votre part, chère madame, mais un jour, je vais peut-être rencontrer la femme avec laquelle je voudrais passer le reste de ma vie et avoir des enfants.

— Oui,bien sûr, soupira-t-elle. Mais justement, un mariage blanc s’interrompt sans problème. Le jour ou vous saurez que c’est la petite Amandine que vous voulez épouser, alors vous nous le dites. Le divorce d’un commun accord se conclut en moins d’une semaine et vous ne venez plus au salon car dorénavant ce sera à Amandine de vous exciter, de vous caresser et de vous pondre vos rejetons.

— Je dois réfléchir. Mais je vous dirai ma décision bien vite.

#19

Le lendemain, LinLin était tout sourire, aux petits soins pour moi et la séance programmée pour 50 minutes s’éternisa, pour mon plus grand plaisir, jusqu’à 90 minutes au moins. Elle chantait doucement, rythmant ses attouchements avec sa voix.

— LinLin, que faisais tu en Chine avant de venir en France ?

— Je travaillais à la campagne, dans le Sichuan : faire pousser les navets, les citrouilles, les choux…

— Et alors pourquoi la France ?

— Des copines parlaient de Paris avec enthousiasme !

— Tu regrettes ?

— Oh, pas du tout. Au début c’est pas facile, mais je gagne plus d’argent que là-bas et c’est moins dur…

— Aimerais-tu avoir des enfants ?

— Des bébés ? Oh oui ! Avec toi !

#20

Manifestement LiLin avait été mise au courant du projet de la patronne. Moi, j’hésitais toujours. D’une part à cause de l’illégalité des mariages blancs. D’autre part parce que je redoutais les réactions de ma mère. Enfin (et surtout?) j’avais peur d’être prisonnier de ce confort facile, gratuit et du duo Saturne & Linlin. 

Sous prétexte de retrouver un livre de ma jeunesse, j’allais rendre visite à ma mère.

— Ma petite maman, que dirais-tu si ton fils préféré épousait une charmante petite chinoise ?

— Une petite chinoise ?

Ses yeux et les coins de sa bouche était devenus durs. Elle se tassa sur sa chaise, froide comme l’Arctique et sa banquise en hochant la tête.

— Pourquoi, il n’y a plus suffisamment de Françaises pour toi ?

#21 

Zut ! Je suis maintenant un adulte et bien que j’aime ma maman, je souhaite faire mes choix par moi-même. 

Mais un constat me poussa à une décision rapide. Mon maigre salaire à mi-temps dans un bistro payait ma vie d’étudiant. Mais pas mon « budget LinLin ».

C’est ainsi que, prisonnier de mes pulsions et de la maigreur de ma paye, je débarquais le lendemain au salon, disant à la patronne que je voulais d’abord parler à la petite.

Devant un thé au jasmin, je lui proposais de l’épouser avec confirmation de nos souhaits de poursuivre tous les ans à la même date.

Elle me jeta un regard éperdu. Les larmes aux yeux, elle approcha pudiquement son visage et m’offrit, pour la première fois, ses adorables et si douces lèvres...

( fin de mon mini-feuilleton !)