Compilation textes LivreSinfinie Semaine 3

▪️ JOUR 1 : Talisman 

Sa main tremblait si fort qu'elle avait eu du mal à la contrôler pour toquer à la porte. Quelques secondes s'étaient écoulées depuis. Quelques secondes seulement, des heures pour elle. Son cœur battait si fort, à lui en faire exploser la poitrine. Ses jambes semblaient vouloir se dérober sous elle.
Elle ferma les yeux et porta la main à son pendentif. Cette améthyste, ce précieux bijou que son père avait offert à sa mère pour leurs fiançailles. Cette pierre lui avait toujours porter chance, elle agissait tel un talisman. En la touchant elle avait l'impression de sentir la présence de sa mère auprès d'elle. La délicieuse caresse de sa main sur sa joue, comme avant. Elle inspira profondément. Tout irait bien. 

▪️JOUR 2 : Pourpre 

- Oui ? 

Elle sursauta et rouvrit les yeux. La vieille femme se tenait là devant elle, dans l'embrasure de la porte. Depuis combien de temps était-elle là ? Le pourpre lui monta aux joues. Et comme toujours elle se sentit stupide. Stupide de réagir si violemment. Stupide de ne pas pouvoir contrôler sa trop grande émotivité. 

- Je...je m'appelle Alma. Je suis la bénévole de l'association. Je suis là pour passer l'après-midi avec vous. 

Que lui avait-il pris de s'engager dans une telle aventure ? Elle n'était pas prête, elle ne savait même pas comment s'y prendre ! Était-elle en train de trembler ? La vieille dame ne sembla pas remarquer sa gêne. Elle lui sourit même. 

- Mais certainement. Entrez je vous en prie. 

▪️JOUR 3 : Subrepticement 

L'appartement était petit et l'ameublement modeste. 

- Appelez-moi Aimée s'il vous plaît. À mon âge, on apprécie plus tellement de se faire servir du Madame à tout-va. 

Sa voix était douce, ses mouvements tendres. Alma se dit qu'elle aurait aimé se blottir dans ses bras et se sentit idiote. Elle ne connaissait Aimée que depuis quelques minutes, c'était parfaitement stupide. Tandis qu'elle se perdait dans ses pensées, Aimée venait de déposer subrepticement une assiette de petits gâteaux sur la table basse. 

- Allez-y Alma. Prenez-en un, vous êtes toute fine. 

Elle avait dit fine et pas mince. Elle n'avait pas dit maigre. Alma lui en fût infiniment reconnaissante. Elle lui adressa un léger sourire qu'Aimée lui rendit aussitôt. 

▪️ JOUR 4 : Soupirer 

Elle eut envie de la complimenter, de lui rendre la politesse. N'était-ce pas la plus belle chose qui soit que de faire naître un sourire sur un visage ? 

- C'est un très joli prénom Aimée. Je comprends que vous le préféreriez au bien plus formel Madame. 

Mais le résultat ne fût pas celui qu'elle attendait. Un voile passa sur les yeux d'Aimée. Elle posa sa main sur le dossier du canapé, comme pour ne pas s'effondrer. Alma eut le cœur brisé en entendant Aimée soupirer. 

- Un bien joli prénom mais en si grand décalage avec la réalité. Oubliée eut été plus juste. Ou bien Délaissée. 

Un sourire triste se dessina sur son visage. Elle releva la tête et découvrit la mine complètement déconfite d'Alma. 

- Ce n'est rien jeune fille. 

▪️JOUR 5 : Citrouille 

- Pourquoi ne resteriez-vous pas dîner ce soir ? Ce serait quelque chose de tout simple, soupe à la citrouille et gâteau de savoie mais nous pourrions papoter davantage et cela me ferait plaisir. 

Aimée lui souriait de nouveau. Alma n'eut pas le cœur de lui dire que chaque repas était une épreuve pour elle, un décompte infernal, une angoisse de nombres et de courbes. Elle accepta. Elle lui devait bien ça. 

- Dites-moi tout Alma : qu'est-ce qui vous a poussé à vouloir venir perdre de votre temps pour de pauvres vielles carnes comme moi ? 

Alma ne s'offusqua pas. Au contraire. L'idée qu'Aimée se sente à ce point indigne d'intérêt la chagrina davantage. Et quelque part, elle se reconnue dans ce sentiment d'être un poids pour les autres. 

▪️JOUR 6 : Banquise 

Soudain, la porte du salon qui était légèrement entrebaillée jusque là, s'ouvrit davantage. Mais personne ne sembla entrer. Une petite boule de poils finit par pointer le bout de son museau à l'autre bout du canapé et s'arrêta net en apercevant Alma. 

- N'aies pas peur Banquise. Alma est une amie. 

Banquise. Alma sourit. C'était un bien curieux nom pour un chat. Et pourtant cela lui allait à merveille. Le chat s'avança avec élégance et vint frotter son pelage blanc contre les jambes d'Alma. Elle le caressa et sans prévenir Banquise sauta pour venir s'installer sur ses genoux. Elle ne le chassa pas. Elle avait toujours eu ce lien particulier avec les animaux et plus spécialement avec les chats. Les animaux au moins ne décevaient jamais. 

▪️JOUR 7 : Éperdu 

Alma resta tout l'après-midi et une bonne partie de la soirée. Aimée l'a fit beaucoup parler tout en en disant peu sur elle-même. Elle lui servit sa soupe et son gâteau maison, elle y tenait. Rien de meilleur que ce que l'on faisait soi-même. Alma grignota, pour faire honneur, sans oser s'abandonner complètement. Le décompte n'était jamais bien loin et elle savait déjà que le souvenir du repas ressurgirait un peu plus tard. Plus terrifiant, surtout sans la présence d'Aimée.
Au moment de partir, Aimée lui adressa un regard éperdu de reconnaissance. Alma jura qu'elle reviendrait très bientôt. L'hiver était déjà froid. En rentrant chez elle, Alma huma l'odeur des feux de cheminées et fût replongée des années en arrière. Elle pleura doucement.