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chabada

Il y a 1 an | 281 vues

3ème semaine - Suite et fin des aventures de Jonas

 

Suite et fin

 

Le vieillard donne à Jonas une bille de verre.

— C’est un talisman qui t’aidera à sauver la biodiversité OU à éliminer Cirrus OU à te faire aimer de son père OU à te faire aimer de Julia. Tu n’as droit qu’à un seul choix.

Jonas, stupéfait, fixe la bille de verre dans la paume de sa main.

— Mais, je la connais cette bille. C’était mon porte-bonheur quand j’étais petit. Je l’avais perdue.

— Rien ne se perd, tant qu’on espère, répond le vieillard. Alors quel est ton vœu ? Tu dois choisir.

Jonas plonge son regard dans la bille de verre. Il se revoit tout petit, à son arrivée à l’orphelinat. Son père le dépose comme un vulgaire paquet entre les bras de la directrice et s’en va sans se retourner.

Les larmes lui montent aux yeux…

 

Le vieillard insiste :

— Tu dois choisir, petit. Je ne suis autorisé à t’accompagner que pendant dix minutes. Je pourrais m’arranger pour obtenir cinq ou six minutes de plus, mais est-ce vraiment nécessaire ?

Jonas, les yeux fixés sur la bille de verre, remonte le temps jusqu’à l’instant où il n’était qu’une cellule unique, promise à une vie qu’il espérait heureuse. Une grande tache pourpre lui brouille les yeux, des mains le saisissent et l’extraient du ventre de sa mère au moment où celle-ci échange sa vie contre la sienne, après avoir murmuré à son père : tu le nommeras Jonas.

Jonas se tourne vers le vieillard, le regarde en silence. Le vieillard comprend et secoue la tête :

— Désolé, petit, je ne peux pas réaliser ce souhait.

 

Le vieillard est parti, déçu que Jonas n’ait pas exprimer un souhait qu’il aurait pu réaliser. Mais ressusciter les morts dépasse ses compétences. Avant de quitter Jonas, il lui avait dit :

— Connais-tu le sens de ton prénom, petit ?

Jonas avait secoué la tête.

— Il signifie colombe. Puisque ton souhait est impossible à satisfaire, je te fais un cadeau avant de te quitter. Ferme les yeux.

Et, subrepticement, il avait sorti de son chapeau une paire d’ailes immaculées et les avait placées sur les omoplates de Jonas.

— A présent, tu peux t’envoler loin de tout ce qui te fait mal. Ces ailes sont invisibles. Seule la personne qui t’aimera d’un amour inconditionnel les verra. Je reviendrai, alors, et lui offrirai une paire d’ailes.

 

Il suffit d’un mouvement d’ailes. Jonas plane dans un ciel tourmenté. La destruction de la biodiversité atteint un point de non-retour. Le monde du vivant va disparaître. Jonas soupire, il ne sera pas le sauveur que les coquelicots espéraient. Pourra-t-il sauver Julia ? Il faudrait qu’elle voit ses ailes. L’aimera-t-elle assez pour cela ?

Les ailes repliées, il entre dans le bureau de son père. Celui-ci, au téléphone, agite une main molle en guise de bonjour. Julia, les yeux sur son ordinateur ignore sa présence.

Jonas lui tourne le dos, dans l’espoir qu’elle voie ses ailes.

— Pousse-toi, dit-elle, tu me caches la lumière.

Tête baissée, Jonas s’en va. Cirrus lui lance, d’un air narquois : tu sais que tu as des ailes dans le dos ?

 

Jonas s’arrête, tétanisé. Que vient de dire Cirrus ? Cet homme qui le regarde de haut ! Cet homme qui lui a volé Julia !

Il parvient à se retourner et à lui faire face.

— Qu’est-ce que vous venez de dire ?

— Que tu as des ailes dans le dos. C’est original. Comment as-tu fait pour te les procurer ?

Jonas en est abasourdi.

— Vous voyez mes ailes ? C’est impossible !

— Et pourquoi donc ?

— Personne ne peut les voir, sauf…

— Sauf quoi ?...

Jonas ouvre la bouche mais aucun son n’en sort. La personne qui l’aime d’un amour inconditionnel ne peut être Cirrus !

— Tu en fais une tête, ça ne va pas ? s’inquiète celui-ci.

Jonas a la langue paralysée. Cirrus, soudain souriant, s’approche.

— Viens. Je t’emmène faire un tour dans ma citrouille.

 

La citrouille file entre les voitures. Cirrus éclate de rire.

— Que penses-tu de mon véhicule ?

Jonas, effaré, voit la route se rapetisser jusqu’à se transformer en un mince ruban.

— J’ai activé la fonction vol automatique, explique Cirrus. Nous serons plus tranquilles.

— Plus tranquilles pour quoi ?

— Pour parler.

Jonas se recroqueville sur son siège.

— Je n’ai rien à dire.

— Plus tard, alors. Nous sommes arrivés.

Avec la souplesse d’un chat, la citrouille se pose sur une immense étendue immaculée.

— Et voilà ! dit Cirrus. La banquise.

— Que faisons-nous, là ?

— Je viens rendre la citrouille à la fée qui me l’a prêtée.

Une silhouette vaporeuse, presque transparente, s’approche de Jonas.

— Mon enfant. Comme je suis heureuse de te voir.

 

Jonas, tout éperdu, croit rêver. Il reconnait cette voix. Elle l’accompagnait avant sa naissance.  

— Maman ?

— C’est moi, mon petit. Et voici ton père.

Cirrus sourit à Jonas.

— Mon père ?

— Oui, mon enfant. Ton père a veillé sur toi toutes ces années. Il t’a donné tes ailes, ainsi qu’à Julia. D’ailleurs la voilà.

Julia atterrit près de Jonas, replie ses ailes et frôle ses lèvres d’un baiser amoureux.

Tout cela est trop beau pour être vrai.

— Et mon père, enfin, l’autre ?

— Un ami fidèle. Le voilà qui arrive.

Dans un beau vol plané, l’homme se joint au groupe.

— Et la biodiversité ? s’écrie Jonas. 

— Elle renaîtra ici. Grâce à toi et Julia. Vous êtes notre dernier et seul espoir. Allez, il est temps de bâtir le monde dont vous rêvez...