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Bzh29

Il y a 1 an | 195 vues

Un immense coup de coeur et un immense coup au coeur

Juliette, 17ans, découvre, alors qu'elle se tord de douleur, qu'elle est en train d'accoucher; elle s'insurge violemment contre la vérité qui lui est assénée car elle n'a eu aucun des signes d'une grossesse et le gynécologue qui l'ausculte a du mal à trouver l'enfant.

Et soudain c'est l'arrivée violente de l'enfant qu'elle nomme parasite, d'un corps étranger qui la dépossède d'elle-même. Elle le rejette viscéralement, refuse tout contact visuel ou physique. Elle l'abandonne et ne le nomme que l'Autre pour qu'il n'ait aucune existence pour elle.

Pendant les deux mois suivants, Juliette se retire du monde et reste cloîtrée dans la maison familiale, rongée par la rage, la colère, la honte jusqu'à ce qu'elle extirpe ce poison en mettant le feu à sa chambre.

Elle ressent alors le manque de son fils auquel elle donne le prénom de Solal et décide de devenir une mère en allant le chercher avant que la procédure d'adoption ne soit lancée.

Hélène Machelon évoque un sujet difficile et parfois tabou d'autant qu'il concerne une lycéenne : le déni de grossesse; elle le résume en une phrase choc mais parfaitement adaptée : "Comment accouche-t-on lorsqu'on n'est pas enceinte?".Le roman décrit de façon presque chirurgicale, sans fioriture, sans fard, la violence de la découverte de son état par Juliette, la violence morale et physique d'un accouchement non attendu, la violence de l'arrachement brutal à l'enfance, la violence de devenir mère sans l'avoir choisi, à son corps défendant, sans y être préparée pendant les neuf mois de grossesse.

Ce roman, c'est aussi la force que peut déployer une famille unie pour faire corps autour de l'adolescente traumatisée, la culpabilité de parents qui n'ont pas su protéger leur enfant, qui n'ont rien vu ; c'est aussi l'immense amour d'une mère, pourtant rejetée par sa fille depuis qu'elle est petite, refusant de l'appeler « maman » et n'utilisant que son prénom. Malgré les rebuffades, le mépris de sa fille, elle est là, ne juge pas. Elle respecte la décision de sa fille mais est dévastée par l'abandon de son petit-fils.

J'ai tout aimé dans ce roman, le thème, les personnages, le style incisif mais tout particulièrement le passage sur le kintsugi, cet art ancestral japonais qui répare ce qui est brisé en le sublimant que j'avais découvert dans le roman de Jeanne Benameur, « La patience des traces » ; c'est une magnifique métaphore de la façon dont on peut ressortir grandi d'une épreuve terrible qui semble nous avoir détruit ; la très belle couverture en résume l'esprit.

Je ressors secouée, sonnée, émue, chamboulée de cette lecture mais également très admirative du talent de l'auteur qui se glisse dans la peau de Juliette, de façon saisissante, la rendant terriblement humaine avec ses peurs, ses colères, ses doutes.

Un magnifique roman, un immense coup de coeur et un immense coup au coeur.

 


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