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MDLM

Il y a 1 an | 375 vues

Extrait de mon carnet de voyage en Islande, en 2018.

La première fois que je posai mes yeux sur la Hallgrimskirkja, elle effleurait un ciel bas de février et il me semblait que c'était le monument le moins agréable à regarder de tous ceux que, pourtant, on dresse si haut au-dessus des Hommes pour signifier l'importance de les voir une fois au moins. Une injonction ici un peu sadique sur la forme mais qu'on devine sans méchanceté, de la sorte de celle qui nous fait manger nos épinards quand on est enfant. Et puis, le jour cédant ses dernières couleurs au pourpre et au violet de la nuit, elle s'était métamorphosée. Elle avait l'air d'une grande dame pieuse, boutonnée jusqu'au cou et d'une pudeur émouvante. Parfois le soir désigne mieux ce qu'il faut percevoir, il dépouille le corps de ses reliefs encombrants pour les sens et laisse fuser ce qui n'est qu'évoqué par l'âme à une autre - l'essence de la révélation et sa métaphore architecturale parfaite. Dans l'église il n'y avait rien qui accroche le regard. Aucun de ces détails qui exigent plusieurs vies d'ecclésiastiques au moins pour être contemplés entièrement dans une seule chapelle catholique qu'une multitude de pinceaux avaient coiffée sur des générations. Il n'y avait qu'un cœur métallique - assez moche lui aussi - qui sortait bizarrement du mur comme la Création du Chaos. Une lumière blanche, pure ou crue me demandai-je - sur Terre plutôt celle des hôpitaux ou des parkings, accablait l'œuvre étrange et découpait, en contrepoint, une ombre feuilletée chargée de poésie. Mes yeux s'attardaient sur la beauté projetée de ce cour sans orgueil, celui de la grande dame pieuse et pudique, comme sur un Caravage, un peu plus tôt, à Rome.


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