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rose612
Explorateur

Il y a 1 an | 300 vues

Brins de tendresse

 

Nous sommes en juillet 2007, je sors de la clinique Pasteur, où mon fils est hospitalisé, en même temps que deux personnes d’environ 60 ans. Un homme et une femme, petits, un peu ronds, vêtus de manière quelconque sans couleur, sans fanfreluche. Ils ne sont pas beaux, ils n'ont pas d’éclat. Ils marchent devant moi, rapidement. Ma fatigue sur les épaules, je marche lentement et ils me distancent. Ils tournent à droite dans la rue où m’attend ma voiture. Je fais de même quelques instants plus tard. 

Là, au tournant, je les retrouve, ils sont blottis l’un contre l’autre sous un porche. Ils ne sont plus gris, ils brillent, irradient et cette lumière les colore tout entiers. Leur masque impassible est tombé, leur bouche et leurs yeux rient, leurs mains sont posées sur le corps de l’autre, baladeuses. Effrayés un instant, par mon arrivée, ils se rassurent bien vite. Je ne suis qu'une inconnue. Je grave dans ma mémoire ce morceau de fraîcheur, ces adolescents amoureux, aux yeux mouillés de tendresse et brûlant de désirs puis je détourne mon regard pour les laisser en paix.

Je les imagine couple illégitime, venant de rendre visite au mari de Madame hospitalisé pour une peccadille. Ils s’aiment depuis longtemps à l'abri des regards, à l'abri des problèmes de chaussettes sales, de vacances avec belle maman, de rencontres parents prof, d’étagères en désordre, de “çapeuservir” assassins, de tous ces petits problèmes ménagers qui pourrissent les couples. Bien protégée au fond de leur cœur, ils ont gardé intacte cette passion qui déborde sous mes yeux. Je les imagine ensuite courant vers leur voiture main dans la main, roulant silencieusement hors de la ville. La main de la femme caresse la nuque du conducteur juste sous l’oreille, là où fleurissent de petits poils duveteux. Lui, aura posé sa main sur le genou de son amoureuse. Ils s'arrêteront en pleine nature, marcheront au soleil dans les prés jusqu’à un petit endroit secret, un espace caché, fait pour eux. Là, ils laisseront leurs sentiments envahir leur bouche, leur peau toute entière, ils s’aimeront , concentrant toute leur vie en cet instant. 

Il n'y a pas d’âge pour l' amour et la tendresse et il faut cultiver, choyer son cœur d’enfant. J'énonce là des banalités me direz-vous ! Non ! Je les lie à une image, je les ancre dans la réalité, je les cloue à mon âme pour me rappeler rageusement, furieusement que la vie est courte, qu’il faut suivre la lumière plutôt que l’ombre, que ces instants de tendresse hors du temps sont des portions de féérie, des lignes droites, des boussoles, des étoiles du berger irremplaçables.  

J’ai un petit coffre dans mon cerveau pour ces trésors, je les sors si j'en ai besoin. Je vous en ai livré un, faites-moi signe si vous en voulez un autre  …



 


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