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AMB37
Légende

Il y a 1 an | 167 vues

La femme est l’avenir de l’Homme.

 

Sa petite sœur juchée nue sur sa hanche ronde, Shana traîne parfois dans le quartier du Vieux port mais c’est dans l’ombre de Notre Dame de La Garde qu’elle  aime démarcher les cœurs. Crinière au vent et  seins en boutons elle fait tourner les têtes quand, de sa main brune, elle mendie ou bien crochète la vôtre pour y lire les lignes d’un avenir dont vous ne savez rien. Son sourire éclatant, son allure libre et déliée défient tous les regards qui rasent les trottoirs, certains méfiants  d’autres avec désir collé à la rétine. Elle rentrera ce soir quelques euros en poche qu’elle ne saura compter, son père s’en félicitera. Demain comme chaque fois ils lèveront le camp et ailleurs vous la rencontrerez. Mais passez votre chemin Gadjos, les mâles ici montrent les crocs : Shana fera des enfants, le clan s’agrandira,  n’est point pour vous , cette gitane aux yeux noirs !

NOIRS comme ces fantômes flottant dans la poussière qui glissent le long des murs leurs silhouettes muettes. Une fissure grillagée où deux papillons clairs de khôl sont dessinés,  c’est la seule fenêtre qu’a de la rue Zeineb du haut de sa burka. Un tout petit garçon accroché à sa main gantée, légère et silencieuse elle se hâte dans les décombres d’une rue de Kaboul qui transpire la guerre. Hier l’attentat a soufflé la moitié de son appartement. La chambre éventrée  a cantonné la famille dans le séjour resté perché au premier étage de l’immeuble aux trois-quarts écroulé. L’enfant pleure. Elle le prend dans ses bras, le cale contre sa cage de tissu qui voile aussi sa peur. Celle de rentrer et laisser filer sur son corps les mains brutales du seigneur et maître qu’on lui a imposé. Vous ne verrez jamais ses longues boucles blondes de berbère aux yeux clairs que le vieux Reza empoigne chaque soir pour la soumettre à son plaisir. C’est qu’il a tant délié sa bourse pour négocier leur beauté là-bas dans le désert et faire de son ventre fertile un nid pour tous les fils dont il l’engrossera ! D’être la plus jeune de toutes ses épouses Zeineb sait que c’est là son droit.

DROIT, le chemin file droit dans l’Haryana jusqu’au jardin d’une maison blanche où se terre Shamina. Dans un petit réduit sa mère a déployé un tapis sur lequel assise elle attend. Les plis de son sari chatoyant épousent son ventre rond où palpite l’opprobre. Le soleil filtré par la lucarne tamise son profil : nez droit percé d’un stud en or cadeau de son père. Cheveux huilés, teint mat, joli menton, elle est demi-beauté au pays des mille-et-une nuits, visage vitriolé de tout son côté gauche. Le viol dans une rue de Dehli a scellé son destin.  Son époux déshonoré l’a renvoyée humiliée et défigurée dans sa famille. Elle guettera le bruit des pas dans le couloir à l’heure du repas. La porte à peine ouverte Shamina bondira ! Dans un élan désespéré de tout son corps, elle percutera l’homme!

L’HOMME avec un H majuscule dont  la théorie du Droit exfiltre encore de par le monde tout autre genre, ce grand H plombe d’OOOOUUUUBBBLLLLI le fond d’un puits.

LE FOND D’UN PUITS où gît Shamina lestée de son ventre rond. Son sari  pailleté de vert  scintille sur un lit d’ossements menus et bris de jarres car ici on s’arroge le droit de mettre en pot de terre …les bébés filles.

FILLES lapidées comme Zeineb qui, pour exister,  aux assauts de Reza est devenue rebelle.

REBELLE,  Shana la gitane qui demain  accompagnera sa fille à l’école. Le clan n’a encore rien dit.

 

* un texte écrit en 2016 pour la défense des droits de l'Homme..

 

 


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