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Caroline7
Légende

Il y a 9 mois | 142 vues

La petite fouineuse

Du haut de ses huit ans, Charline adorait fouiner dans les vieilles malles du grenier chez sa grand-mère. Elle s’imaginait être une exploratrice à la recherche d’un trésor dans une contrée inconnue et dangereuse. Aussi restait-elle à l’affut de la moindre bête sauvage, surtout de celles à huit pattes. Elle en avait horreur, mais son désir de fouiller était bien plus fort que tout.

En ce début du mois de décembre, en ouvrant un carton rempli de vieux livres, elle fut tout d’abord un peu déçue. De vieux ouvrages poussiéreux, des auteurs dont les noms ne lui disaient rien et surtout, pour chacun, pas la moindre image sur des centaines de pages. Elle en sortit plusieurs en pensant que dessous pouvaient se cacher d’autres objets bien plus intéressants.
La déception se lisait sur son visage. Non seulement il n’y avait que des livres sans intérêts, mais en plus, elle devait tout ranger avant que sa grand-mère ne s’aperçoive que sa petite fouineuse, comme elle l’appelait affectueusement, avait remis les pieds au grenier. Aussi se dépêchât-elle de ranger tous les livres dans le carton et, dans sa précipitation, un livre tomba sur le sol et laissa échapper des papiers. Enfin, elle tenait peut-être quelque chose d’intéressant.
Charline fondit sur cette découverte tel un rapace sur sa proie. Elle venait de trouver une photo et une lettre.  Mais à ce moment-là, des pas lents et lourds s’approchaient dangereusement du grenier. Elle fourra son trésor sous son pull, juste à temps.

—Charline ! entendit-elle rugir dans son dos. Sors d’ici immédiatement ! je t’ai déjà dit de ne pas venir fouiller dans ces vieilleries.

—Oui, Mamie, répondit celle-ci de sa petite voix cristalline.

Elle savait comment attendrir sa grand-mère : une voix douce, un petit sourire charmant et charmeur, et le tour était joué.

—Viens plutôt goûter. Je t’ai préparé un gâteau au chocolat et aux noisettes, ajouta la vieille dame sur un air déjà attendri. Mais lave-toi les mains d’abord !

Plus tard dans la journée, quand elle fut de retour chez elle, Charline se précipita dans sa chambre pour enfin prendre connaissance de son trésor.
La lettre ne l’intéressa pas longtemps. Il s’agissait d’une lettre d’amour adressée à son grand-père. Beurk. En revanche, sur la photo, elle reconnaissait bien son grand-père. Il devait être très jeune à cette époque. Et la personne dans ses bras devait sûrement être sa grand-mère, même si elle avait un peu de mal à la reconnaître. Après tout, elle l’avait toujours connue vieille et elle avait dû bien changer depuis cette époque.

Cette découverte lui donna une idée. Elle allait faire encadrer la photo et elle l’offrirait à sa grand-mère pour Noël. Cela lui ferait très certainement plaisir.
Fière de son idée, elle s’imaginait déjà offrant son cadeau, et sa mamie émue aux larmes par cette attention si touchante de la part de sa petite-fille préférée.

Le jour de Noël arriva enfin. Toute la famille était réunie et le meilleur moment était enfin arrivé : l’échange des cadeaux. Charline piaffait d’impatience autant pour les cadeaux qu’elle allait recevoir que pour celui qu’elle réservait à sa grand-mère.

—Mamie, je t’ai fait un cadeau, claironna-t-elle toute fière.

 —Pour moi ? Oh, merci ma choupinette.

Déjà, une pointe d’émotion perçait dans la voix de la vieille dame. Charline la regardait, à l’affut de la moindre de ses réactions.

—Ouvre-le, vite, s’impatientait la petite.

La grand-mère dépliait le papier cadeaux lentement, pour ne pas le déchirer, en pensant peut-être à le recycler s’il n’était pas trop abimé.
Quand elle découvrit la photo, son sourire s’évanouit et son visage se figea. Elle regarda tour à tour la photo et sa petite-fille et dû fournir un effort considérable pour pouvoir enfin parler.

—Où as-tu trouvé cette photo ?

Sa voix blanche, sans la moindre émotion commença à inquiéter la petite fille, et c’est d’une voix toute timide qu’elle lui répondit.

—Dans le grenier…

—La femme sur cette photo, avec ton grand-père, ce n’est pas moi. C’est sa maîtresse de l’époque !...


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