Retour
visuel principal de la chronique
Lebrac25
Débutant

Il y a 9 mois | 117 vues

Dédramatiser l'adolescence

C'est un cimetière d'autobus et autres épaves de véhicules brisés qui s'est installé en face de chez notre héroïne et qui ouvre l'album . Un décor urbain grisonnant qui pose le ton . 

La rentrée sonne et tout vole en éclats pour Lou : Tristan ( ce voisin pour qui elle avait le béguin depuis la petite enfance ) a déménagé ; Mina ( sa meilleure amie ) ne sera pas dans sa classe cette année . Une rentrée catastrophique où, sur un malentendu, les deux gamines se quittent en froid à la sortie . 

En famille, c'est une autre sorte de pagaille : si la petite blonde est heureuse de voir sa mère enfin lancée dans sa carrière d'écrivain et filer le parfait amour avec Richard, elle sera pour un temps mise un peu de côté par cette maman bien intentionnée mais emportée dans son euphorie et qui ne voit pas la mélancolie qui commence à prendre racine chez sa fille . Tout ça sans compter Paul, garçon rêveur rencontré en vacances, et à qui un vide, une déprime lente, l'empêche de répondre à ses lettres amicales : à lui, qui lui apporte pourtant dans chacun de ses courriers du réconfort, elle n'arrive pas à griffonner un traitre mot . 

" L'océan et le cosmos se confondent, j'aimerais que tu voies tout ça ! J'aimerais regarder les étoiles de mer filantes avec toi... "  que répondre en effet à de telles invitations quand on a le moral à ras du sol ? 

Les cours se suivent, se ressemblent, et Marie-Émilie ( mouton noir gothique autoproclamé et fille de bourgeois rebelle entre deux récréations ) l'adopte à sa façon pour mieux lui exposer sa vision des " injustices du monde " à grand renfort de ( longs ) discours aussi " engagés " que les rebellions d'une fille de treize ans peuvent l'être . 

" Marie-Émilie, c'est une fille, elle a des problèmes TROP GRAVES. Par exemple, sa chambre elle est tellement grande qu'une fois, elle s'est paumée dedans. " notera d'ailleurs Lou dans son journal . 

On pourrait trouver cette mise en situation morose ... et c'est là que l'on se tromperait . Car si la dépression est bel et bien le thème de l'album, le sujet est traité avec la légèreté qui caractérise la série Lou  .

Pas de pathos ici . Une tristesse qui tient de l'ombre, de la bulle, qui flotte sans jamais rien perdre de la bienveillance envers notre jeune protagoniste . Les passages contemplatifs se succèdent, les instants de nostalgie fugitive, tout ça évite les lourdeurs trop communes dès qu'est abordé ce stade de la vie qu'est l'adolescence : ce moment que l'on aime dramatiser à outrance . L'atmosphère ici est introspective, le cadre intimiste . 

Au contraire, on sourit aux provocations creuses de Marie-Émilie et à ses révoltes de fille-à-maman bien née et Karine ( nouvelle connaissance de Mina après sa rupture d'amitié avec Lou ) est un prototype de brute à jogging amatrice de clip de rap jouant la dure mais dont la compagnie apparaît bien vite à Mina aussi drôle et vivante que de parler avec un mur . 

Les problèmes d'ado et l'amertume de la fin de l'enfance ne sont pas niés pour autant : la prise de conscience de son entourage amènera à une résolution où tout se termine sur la promesse de vacances d'été entre les quatre nouvelles amies et sur une Lou guérie, souriante, prête à dégainer son stylo pour écrire à Paul une réponse très parlante sur son nouvel état d'esprit . 

" Cher Paul,

Désolée, je sais, c'est nul, mais je ne t'ai pas écrit plus tôt. Paralysée par la peur imbécile de passer pour une idiote. Et paralysée, aussi, toute l'année, par un grand vide à l'intérieur de moi. Jusqu'à ne plus le supporter. Jusqu'à chercher un lieu. Un sanctuaire.

Le cimetière des autobus.

Au cœur du néant je me suis lovée dans les carcasses de ces géants immobiles. 

Leurs sillence réconfortant...

La nuit orangée qui peu à peu les fesait ressembler à de nombreux totems...

La peur, l'angoisse disparaissaient dans leurs soupapes à vifs.

Ils étaient des sages, bienveillants et joyeux.

Je me suis mis à chanter, à chanter ta chanson, ta chanson sur les îles.

Et tout à pris un sens, quand la pluie est tombée.

Ton amie,

Lou ! "

De tous les volumes de la série, c'est celui que j'ai racheté dans un élan de nostalgie il y a peu de temps . Et c'est aussi le plus " littéraire " sans rien céder en matière d'humour ou de fidélité à l'identité du monde de la blondinette . editor_upload_6587546004ad27.83294659Lou 2.jpg

 


Alertes