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Il y a 3 mois | 460 vues

La bête qui sommeille de Don Tracy

L’histoire se passe dans une petite ville de pêcheurs du Maryland, le mois de novembre est déjà froid et le ciel gris annonce la neige. Le vieux Burroughs vend à Jim, un jeune noir alcoolique, un cruchon de whisky de maïs. Il le cède plus cher qu’aux clients blancs mais rien de surprenant chez ce commerçant ni plus ni moins raciste qu’un autre. Mais le gallon d'alcool qu'il achète et avec lequel il se saoule méthodiquement va le mener sur le chemin de l'enfer. Le meurtre d'une prostituée blanche transforme bientôt la population en une horde de sauvages qui s'empare du meurtrier pour lui faire expier son crime…

Ce roman est un immense roman noir, un récit d’une violence radicale, Tracy décrit la barbarie, une œuvre terrifiante, puissante, d’une cruauté rare, qui secoue le lecteur aujourd’hui encore.  Il met au grand jour la violence primitive de l'Homme qui peut basculer dans une folie sauvage. Un livre qui montre le lynchage en détail dans des cris bestiaux, des hurlements de jouissance. Écœurant, sordide et si contemporain. Un livre jugé trop violent, mais finalement publié en 1938, deux auteurs avaient déjà abordé avant lui le thème de la haine raciale aux Etats-Unis, William Faulkner dans Sanctuaire et Horace McCoy avec Un linceul n’a pas de poches. Ce n'est qu'en 1951 qu'il est paru en France à la Série Noire.

Une peinture sur une humanité monstrueuse de lâcheté, d’ignorance, rongée par la misère. L’auteur ne cherche pas à donner de leçon, nous montre la puissance de la bête qui sommeille en nous. Il tente d’explorer un fléau social, le phénomène du racisme et le pouvoir de la rumeur, cette pieuvre tentaculaire et dangereuse qui ne cesse de proliférer, leurs contenus anxiogènes qui génèrent toutes sortes de déviances, croyances irrationnelles, préjugés absurdes qui multiplient et renforcent la haine ordinaire, terreau de toutes les violences physiques et psychiques. Le rejet de l’autre n’est pas nouveau, ce récit cruel et percutant est un marqueur essentiel, car il est des œuvres dont la grandeur reste ignorée… Avertissement, ce roman peut heurter la sensibilité du lecteur.  


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