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Alysse

Il y a 2 ans | 191 vues

Histoire d'un futur antérieur

"Glissement de temps sur Mars" en est l'une des briques... rouge !

La science-fiction est extraordinaire et, pour un radin, c'est le paradis.

Pensez donc, c'est quand même la seule littérature qui, en un seul texte, raconte trois histoires à la fois !

Parce que la SF, en plus de raconter une histoire (forcément hors norme puisque hors du temps présent) raconte aussi deux autres histoires en filigrane. 

Elle dit, tout d'abord, l'histoire de l'époque durant laquelle a été écrit le roman mais elle raconte, aussi, pour les romanciers qui ont un peu de bouteille, comment l'auteur percevait l'évolution de la société dans laquelle il vivait (que ce soit dans les quelques années à venir comme dans "Blade runner" ou dans des millénaires, à l'instar de "Dune").

En une histoire, "Glissement de temps sur Mars" en raconte donc trois, voire davantage car le thème central (bien plus encore que la vie fantasmée sur Mars, substrat du roman) est un thème cher et intimement lié à Philip K. Dick : la folie et, en particulier, la schizophrénie.

Le livre, écrit dans les années 60, au tout début de l'âge d'or de la SF et avant l'avènement du space opéra (mastodonte imposant des années 70) a, par son traitement du "réalisme" martien et des us et coutumes des colons, un côté naïf et désuet.

À l'époque, étant donné la connaissance que l'on avait de Mars et les fantasmes que la planète véhiculait, il n'y a rien d'étonnant à cela.

Plus amusante est la lecture de la structure sociétale martienne qui renvoie aux envies/désirs de l'auteur de voir évoluer la société américaine sclérosée dans son modèle des sixties.

Parlons-en de ce modèle... Philip K.Dick ne se gêne pas pour faire de ce roman une critique virulente du racisme, du sexisme et du fonctionnement mafieux de l'époque.

Certains des propos que l'auteur fait tenir à ses protagonistes reflètent les pensées dominantes des années 60, ce qui permet ainsi à Philip K. Dick, de les dénoncer, au fil du roman.

Mais le cœur du roman, son moteur nucléaire, au-delà d'une description quasi absente, d'ailleurs, du paysage désertique de Mars, c'est la plongée dans les abysses de la schizophrénie, seule compagne de l'auteur à avoir pu le supporter sa vie entière... ou l'inverse...

Dans d'autres romans, cette dissociation de la personnalité se voit de manière moins flagrante mais dans "Glissement de temps sur Mars", elle bourgeonne, elle éclate et le lecteur en prend plein la figure. Je n'en dirai pas davantage pour ne pas déflorer une histoire que certains pourraient avoir envie de lire.

Alors, certes, ce roman n'est plus exactement dans le tempo de notre monde contemporain, la vision de Mars est surannée mais il reste cette plongée dans le cerveau de Philip K. Dick qui, à elle seule, est une expérience fascinante et inclassable.