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LA CLASSE DE PHILO
LA CLASSE DE PHILO
L’harmonie avec l’espace, avec son corps, avec la Terre,
L’harmonie avec les autres vivants,
Ceux que certains doivent consommer,
Qu’ils soient végétaux ou animaux –
Car il y en a qui vivent de l’air, vous savez –
Puis, il y a l’infiniment petit, qui mange aussi
Et tout cela forme le vivant.
L’humain est plus jeune que la plupart.
Est-ce pour cela qu’il n’a pas ce génie ?
Ou bien est-il tout simplement trop prétentieux ?
Qui sait ? Le génie de l’harmonie, il l’a perdue.
Pendant des milliers d’années,
L’homme avait su apprécier la magie du monde
L’aura de la mère qui donnait la vie
Le génie de la vie était intouchable, à vénérer
Le Soleil, l’animal, le goût de l’eau, ça s’admirait.
Quel fut le mauvais génie qui rompit
Les liens entre l’homme et la nature ?
Le philosophe avait soumis le texte,
Pour présenter le génie de l’harmonie.
« Pourquoi le lien serait rompu ?» demanda-t-on
Il répondit « Prenez vos ordinateurs,
Cherchez et vous trouverez la dichotomie. »
« Moi, monsieur, j’ai un exemple ! »
Très bien, nous t’écoutons.
« Soixante-sept milliards d’êtres vivants
Sont avalés par huit milliards d’humains,
C’est inégal, non ? »
« Moi, moi ! J’ai un truc, moi aussi !
En Australie, je lis que les incendies
Ont tué plus d’un milliard d’êtres vivants,
Dont trente-trois humains. »
« Ouais, moi aussi, je vois… c’est horrible
Ces kangourous incandescents. »
Voilà, vous avez compris. Maintenant,
Dissertez sur cette citation de Schopenhauer
« L’homme a fait de la planète un enfer
Pour Les animaux ».
Je me souviens d’avoir vu
Un crocodile repu tremper
À côté d’un héron à la pêche,
Une maigre marre salvatrice
Où des lions assoiffés s’abreuvaient
À côté de gazelles et de zèbres
Tous aussi morts de soif.
Qui avait dit « pouce » ?
La philosophie naturelle,
La même qui parle aux animaux,
Chaque jour, par le ciel, le soleil,
La pluie, les nuages doux
Et les nuages de mauvais présage,
Les cirrus qui ont sauvé la vie
Des animaux enfuis avant
Que le tsunami les anéantisse.
Les règles de la nature
Ne sont pas faites pour accumuler,
Mais pour survivre,
Avec les mêmes priorités pour tous.
Boire, manger, se reproduire,
Sans elles, pas de plaisir
Qui donne l’envie de vivre.
Le lien a été rompu
Quand on a confondu plaisir
Et quantités. Quand pour cela,
On a tué sans compter.
Bien vu, dit le philosophe,
L’enfer dont parle Schopenhauer
Est bien notre Terre
Envahie par l’homme destructeur.
Votre idée de confusion quant au plaisir
Est tout aussi bien vue.
Survie d’abord, plaisir ensuite.
Regardez les oiseaux rassemblés
Sur un fil pour voir le coucher du soleil,
Regardez la pie collecter des bijoux,
Un bouton, une épingle, une pierre
Noire aux reflets d’argent
Telle l’obsidienne ou l’onyx.
Les êtres vivants ont la clé du plaisir
Qui ouvre les cinq sens,
Tous en même temps.
L’homme l’a perdue.
Il s’est moqué de la femme,
Créature plus en harmonie avec la nature
Quant en réalité, c’est un compliment.
Maintenant nous allons réfléchir
Sur nos propres plaisirs,
Leur importance, leur influence.
Jouir du bon et du bien.
Les élèves étaient prêts,
La nature qu’ils connaissaient mal,
Les attendait, avec espoir.
Mais ils devaient comprendre, d’abord.
Comprendre comment apprécier
Que le jour, l’eau, la plante,
Nous fassent survivre.
Puis, il faut apprendre comment
Rassasiés, nous nous ouvrons
Aux plaisirs des sens
Le soleil sur sa peau, le rouge du coquelicot,
Le bourdonnement de l’abeille,
L’odeur du blé, le goût de la paille.
Tout renfermer, précieusement
Dans son esprit, en prévision.
Voilà les provisions à faire,
Les souvenirs qui nous guident
Dans l’aventure de l’existence.
Si l’on écoute les leçons
Du vent, du froid, du danger de mort
Une vie cela se gagne, cela se mérite
Et tous les plaisirs qu’elle recèle
Sont autant de récompenses.
Vous êtes au milieu
Entre jeune et vieux,
Vous venez de l’inconnu
Pour refermer la boucle,
Dans le doux néant.
La nature est ronde,
Faite de cercles, de globes.
Regardez les lignes circulaires
Sur cette souche,
Ce sont les cercles d’une vie.
Nous faisons tous le même chemin,
Avec nos propres détours
Pour trouver nos amours,
Pour faire notre pain,
Pour éviter le mal.
Ce n’est pas de tout repos,
Cela en vaut-il la peine ?
À vous de voir, c’est votre liberté.
Je pense que oui,
À voir comment l’araignée
Ne veut pas être écrasée,
À voir le cochon trembler
Dans son couloir de la mort,
À voir ce que nous inventons
Pour rester en vie.
Avec le trésor des cinq sens,
Nous sommes faits pour la jouissance.
L’un de vous m’a parlé en secret,
Je dois vous dire ma confusion.
Sa voix de falsetto
M’a confié une histoire :
C’est au sujet de la jouissance,
M’a-t-il dit, c’est au sujet de vous.
L’un d’entre vous, que je surnomme X,
Vous aurait dit, qu’à mon grand âge
Il est obscène que je parle de jouissance.
Je suis navré si je dégoûte
Alors que je ne suis qu’un homme
Aux cinq sens aiguisés
Par une longue et bonne vie,
Une vie telle que l’on peut vous en souhaiter.
Que dites-vous sur ce point de vue rapporté ?
« Jouissance ne veut pas dire orgasme,
Car on peut jouir du silence, de la chaleur,
De tout » Bien, ou encore ?
« On est libre de penser comme on veut. »
Vrai, ou encore ? « C’est moche de moucharder. »
Voilà, tu as trouvé. C’est cela, qui m’a confondu.
« La drogue est-elle une jouissance, monsieur ? »
Question importante, je vous écoute mes amis.
« Si l’on est drogué, l’on est sens dessus dessous,
Comment profiter de nos sens de la sorte ? »
« La jouissance n’est pas faite pour la mort ;
On peut mourir à petits feux de la drogue »
Eh oui, c’est une ordalie contre soi-même.
« Mes parents aiment beaucoup les ordalies. »
Tu veux dire les « Caudalies », j’en suis sûr.
Une ordalie est une épreuve de vie ou de mort
Infligé à un être vivant par superstition,
Pour justifier des préjugés, des phobies.
Envers soi-même, est-ce du masochisme ?
Ou bien une lutte contre ses faiblesses ?
La jouissance ne demande pas d’excès,
Dans la nature, mais assez d’humilité
Pour éprouver le bon, le beau, le doux,
Le mélodieux, l’arôme.
Dans notre quête du génie de l’harmonie
Nous unissant irrémédiablement
À la nature mère, clarifions la leçon.
Un mauvais génie rompit le lien,
Transformant l’homme en destructeur,
S’enivrant du don de la mort,
Perdant le goût des plaisirs de la Terre,
Jugés trop modestes pour son ego,
Ignorant l’œuvre des autres êtres,
Leur refusant le bénéfice du doute
Quant à leur propre philosophie.
Il nous faut apprendre à savourer,
Vivre avec la poésie de nos sens,
Afin de récompenser la survie.
Il nous faut comprendre le plaisir
Et jouir le plus simplement du monde.
La drogue est un leurre, pas une aide,
Méfiez-vous de l’excès, n’accumulez point.
Observer les êtres vivants, plus anciens,
Du scorpion à l’éléphant, du blé à la fleur,
Daignez apprendre, comprendre et aimer.
« Il nous faut des travaux pratiques ! »
Mais bien sûr, mes amis, sortons.
Prenez place sous le pommier et dites-moi
Comment vos sens sont en émoi.
« Je me sens à l’ombre, en sécurité,
Ma peau et mes yeux me le disent. »
« Moi, j’entends les feuilles froissées
Par les oiseaux qui se camouflent. »
« Quand je touche l’écorce,
Je sens la force de cet être généreux. »
« Pour moi, le pommier est un cadeau
De gourmandise irrésistible. »
« Oui ! Qu’aucun maitre-pâtissier
N’aurait pu inventer ! »
Quelle est la différence avec votre salle ?
« Je pense qu’il y a plus de sensations
En plein air, auprès d’un être vivant,
Buisson, pommier ou platane. »
En harmonie avec vos sens,
Vous pourrez ressentir le meilleur
Des choses, où que vous soyez,
Ne serait-ce qu’en vous.
Hier, vous m’accompagniez
Aujourd’hui vous me quittez
Demain vous vous envolerez.
Comme les boules du billard,
Vous vous éparpillerez,
Vous vous rencontrerez,
Ou non, vous vous aimerez.
Votre cœur adamantin
De jeunes êtres en vie
Va rythmer votre avance
Dans la lumière bleutée
De notre planète,
Caressant l’éclat de vos sourires,
Calmant la dureté de vos ardeurs.
Vous m’avez apporté la passion
De l’échange, par vos questions.
Je veux vous apporter la paix
Avec vous-mêmes et les autres.
Pour jouir de vos efforts,
Pour construire, ne pas détruire,
Pour vivre heureux,
Comme devoir originel.
Le hasard viendra teinter
Vos accomplissements,
Arbitrairement,
De la couleur de l’échec
Ou de celle du succès.
Il suffira de rester fort/e
Et d’être prêt/e pour tout.
Bon voyage !
J’ai tant apprécié ces leçons
Mais les vacances sont sans comparaisons.
Les déesses de la Grèce m’ont tenté ;
De les admirer je m’étais déjà acquitté.
Aussi les mystères de l’Afrique noire
M’ont promis tant à voir.
Les premières bouffées d’air
M’ont noyé dans une mer
Épaisse de cette Terre-mère.
Où l’on voit ces cariatides vivantes
Porter sur leurs têtes, qu’il pleuve ou vente
Tout l’esclavage de la femme
Qui n’ose avoir une âme,
À la tâche pour la survie des siens.
Ces cariatides bébés au sein
Transportant la vie, l’eau,
Agir, faire, tel est leur lot.
Demain je quitterai le village
Pour me plonger dans le sauvage
Pour interroger l’animal
Sans lui faire de mal,
L’interroger des yeux
Peut-être sait-il mieux
Respecter les mamans,
Qu’il soit fils ou amant.
Comme j’ai aimé tes photos !
L’Afrique est donc ta muse.
La mienne, c’est la Guyane.
Loin des idées reçues
Je ne sais pas où sont les moustiques
Dans cette immense forêt dense
Où les arbres géants tentent de se cacher
Des trafiquants de bois précieux,
Où les oiseaux invisibles bavardent
Où le sol souple accueille tes pas
Sous l’œil vigilant de la tarentule
Abritée et craintive dans son terrier,
Où l’anaconda roulé en boule dort,
Où les seuls oiseaux silencieux
Déguisés en ombres bleues
Se cachent parmi les bambous,
Où les ruisseaux ocres et doux
S’offrent aux vivants assoiffés.
Les moustiques préfèrent le marais
Où n’ont pas peur de se rassembler
Les cochons d’eau et leurs voisins
Parmi les caïmans et les piranhas,
Grâce au pacte de sélection naturelle.
Bravo, mes amis les voyageurs !
Moi, je suis resté sous le pommier
Où j’ai planté ma tente,
Près de la fontaine.
L’école est finie,
La cour est à moi.
Je me suis installé là
Avec mes cinq sens.
Ils ne se sont pas ennuyés,
C’est un plaisir de les observer.
Au matin, tout est fraicheur, neuf.
À midi, tout est en bouche,
L’eau de la fontaine
Et mes gourmandes provisions.
L’après-midi j’ai appris à ne rien faire,
À regarder, entendre, sentir.
Puis, remis du repos,
C’est la promenade du crépuscule,
En compagnie d’un chat du coin,
Qui m’apprend de belles choses,
Avec lequel je partage mon diner.
Puis c’est la nuit sous les étoiles,
Dans le silence au ronronnement.
Je lui parle des planètes,
De la belle Saturne
Et de toutes ses alliances,
Avant que le sommeil
Nous endorme.
T u m’accompagnes sans savoir
A chaque voyage, je t’emporte
L a griffe de léopard du vieil homme
I l me l’a donnée, a craché sur mon pied
S ûr de lui, le vieux sorcier
M oi, j’en fis ce qu’il me plait
A l’image de mon monde à moi
N ous prenons les airs ensemble.
Je me suis demandé où les prendre, ces vacances, et mes souvenirs m’ont assaillie pour m’arrêter au nord du Cameroun, d’où je tiens mon talisman. J’avais treize ans et il m’avait promis de bientôt trouver un mari auquel donner beaucoup d’enfants. Merci pour le beau souvenir. Mais une amulette n’en fait qu’à la tête de sa propriétaire. Heureusement ! Où vais-je donc aller promener mon porte-bonheur ? Bordeaux ?
C’est bien possible. In vino veritas. Tchin ! Tchin !
La couleur du sang,
Celui de la vigne,
Pourpre tel un Bordeaux,
Aussi profondément sombre
Que velours en bouche,
Épais, tiède, suc enivrant,
Saint Émilion, Pomerol,
Graves et compagnie,
Il nous fait tourner la tête,
Et donne envie de se repaitre,
Béatement tels les moines
Dodus, du clos des Cordeliers,
Aujourd’hui fantômes en caves.
Oui, je me sens bien là,
Au bord de la Garonne,
Qui se mêle à l’océan,
En épousant ses marées.
Le rythme du sud délasse de Paris.
Le sud-ouest, mon hôte
Va m’enchanter de sa chaleur,
Sa noble histoire, sa nature,
Ses dunes où se mettre nue,
Sa pierre lumineuse
Incrustée de fossiles,
Ses ruines gallo-romaines,
Ses quartiers africains
Aux étals gourmands et colorés.
Montaigne, Montesquieu, Mauriac,
Je prendrai un nom de plume en M.
Pas de compétition pour moi.
Subrepticement, j’ai cherché
Et trouvé les destinations
De mes camarades rivaux.
L’air de rien, j’ai demandé.
Nul n’a choisi mes Alpes,
Au refuge de La Martin.
Là où tout n’est que sensations,
Quand l’atmosphère se boit
Et se respire à pleines goulées,
L’édelweiss me nargue
Du haut de son rocher,
Les marmottes percent
En échos mes tympans,
La lumière crue m’éblouit
Dans les cieux immenses,
La gentiane enivre mes narines,
L’air vif joue avec ma peau
Pour me donner gaiement
Des joues de Savoyard,
Cet air qui ouvre l’appétit
Pour les myrtilles sauvages
Et les fraises des bois.
Je voudrais être seul
Dans ce vieux chalet.
Les autres amoureux
De nos montagnes
Seront l’opportunité
D’appliquer les leçons
De notre professeur
Sur la paix avec autrui.
Je me demande
Ce que mes élèves font
De leurs vacances.
Je suis curieux
De découvrir
Comment ils vont trouver
L’harmonie avec le tout,
Avec les autres.
Je me souviens
De les avoir entendus
Soupirer tels des soufflets
À l’évocation du plaisir.
N’est-ce pas
L’un des plus beaux sujets ?
Je sais que Luce
Choisit le sud-ouest,
Fabre, les Alpes,
Paul m’étonna
Restant sous le pommier
Et les autres ?
Surprises ou non,
Il me tarde
De les replonger
Dans leurs souvenirs
Tout frais,
De les voir
Se comprendre,
Se chamailler.
L’essentiel sera
Cette harmonie
Qui les aidera
Sur la route de la vie.
Quant à mes vacances,
Je les ai prises
Dans les bras
De ma compagne,
À l’écouter rire,
À butiner ses lèvres,
Son corps,
À lui laisser le mien
Au gré de son désir.
Je pourrai leur dire,
Sans raconter.
Los Angeles en décapotable,
Ferrari Rouge,
Merci papa, merci maman,
Ludo se réjouissait
De son choix.
Quittons le smog
Pour parader à Malibu.
Qui aurait cru
Que mon accent français
Soit un piège à minettes ?
Ou bien est-ce mon carrosse ?
Mes cartes sont bonnes
Pour jouer au plaisir
Sur la fameuse route One,
À plein pot, musique à fond.
Pam n’est pas loin,
À San Diego, je crois.
Je suis sans doute le seul
À pouvoir me payer L. A.
Au crépuscule,
Marc se gara
Devant un restaurant
Où se reposait
Une magnifique,
Voiture électrique
Quand il entendit
De joyeux rires
Sortirent de l’auberge
Et reconnut
La belle Pam
Au bras de Luc,
Son camarade de classe.
Le fils à papa
En resta baba.
Sa Ferrari ne lui semblait
Plus qu’une citrouille,
À côté du vrai carrosse
Des temps modernes.
Quel plaisir
Que de se retrouver !
Il ne manque que Lily.
Un ours polaire
A effrayé ses chiens,
Qui s’enfuirent
À vive allure
Avec le traineau.
La banquise se détacha
Avec elle à la dérive.
Elle réussit à m’envoyer
Ce message :
« Cher professeur et amis,
Au pôle nord,
Nulle place pour l’ennui.
Nulle solitude,
Grâce aux animaux.
J’ai compris la leçon,
Je m’observe vivre,
J’écoute mon corps
Qui a peur de geler,
Je lui obéis.
Je copie sur les chiens,
J’apprends leur bon sens.
Vous me manquez.»
Après ces vacances,
Ces travaux pratiques,
La meilleure note
Donnera droit
À un tour du monde.
Pour cela, présentez-moi
Vos carnets de voyages.
« Même autour du pommier ? »
Où que vous fûtes.
« Moi, j’ai tout raté à L. A. »
Le reconnaitre est un succès.
La tolérance commence
Avec soi-même.
En Aquitaine,
Luce apprit l’Histoire
De la terre et des gens.
En Afrique Gilles apprit
L’humilité et la noblesse
Des femmes.
Paul apprécia les sens
Sous notre pommier.
Jack apprit les lois
Des êtres vivants
En Guyane.
Pam et Luc
Trouvèrent l’amour
En Californie.
Fabre sut
Accepter l’autre
Dans les Alpes.
Lily comprit le corps,
Et la vie des animaux.
Seul, Marc
S’induisi