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xiane
Légende

Il y a 1 an | 312 vues

Dans le métro

Bernard venait de terminer sa journée. Il était tard et il était crevé. Encore heureux que le métro fonctionne toute la nuit. C’était le 24 décembre, la nuit de Noël. D’ailleurs il était bien payé pour le savoir … enfin, quand il disait "bien payé" c’était juste une expression, car vu ce qu’il gagne…

Bernard est père noël comme tous les ans pendant tout le mois de décembre. Son boulot, en plus de faire le zouave avec une clochette devant le magasin pour lequel il travaille, consiste à livrer à domicile, en costume de père noël, les cadeaux commandés par les parents.

Sa tenue de travail est soigneusement pliée dans son sac-à-dos posé sur le siège à côté de lui.

Il en a plein les bottes à force de monter et de redescendre les étages de ces vieux immeubles sans ascenseur. Il est vraiment tard et il a hâte de rentrer. Il sait que son chat l’attend. Plus qu’un changement et encore quelques stations, et il sera bien au chaud chez lui ; son dîner, des restes de la veille au soir, est déjà prêt et il n’aura plus qu’à le réchauffer sur sa vieille gazinière. Il est avachi sur son siège, en train de vaguement somnoler au milieu des fêtards qui rentrent chez eux, ou qui viennent de quitter un endroit pour en rejoindre un autre et continuer la fête les bras chargés de cadeaux…

Le métro vient de stopper dans une station et quatre jeunes montent dans le wagon. Ils ont des parkas et leur capuche bordée de fourrure synthétique vaguement blanche est rabattue sur la tête ; on voit juste leurs yeux briller. Bernard ouvrit un œil, et les apercevant, esquissa un petit sourire : si les doudounes avaient été rouges, on aurait pu les prendre pour des pères noëls. Plus que deux stations et il descendrait pour son changement. Ses yeux se refermèrent…

Trois des jeunes se placèrent devant les portes, bloquant la sortie ainsi que l’accès au signal d’alarme, et le quatrième, un couteau à longue lame à la main qu’il venait de sortir de l’une de ses nombreuses poches, se mit à gueuler : "ceci est un hold-up, soyez cools et il ne vous sera fait aucun mal ! je vais passer parmi vous et vous me donnerez bien gentiment vos portefeuilles, vos montres et vous, les bonnes-femmes, vos bijoux". Les trois jeunes devant les portes ricanèrent "ouais ! et aussi les cadeaux que vous avez dans les bras, d’ailleurs si vous avez quelques bonnes bouteilles, on n’est pas contre !".

Bernard se redressa sur son siège tout à fait réveillé et plongea la main dans son sac-à-dos pour y fouiller ; il était sûr d’avoir laissé un truc tout au fond… un cadeau oublié…

Le "chef" des jeunes remontait le wagon et avait déjà récupéré pas mal d’objets de la part des usagers. Ils n’étaient pas très nombreux, et ça allait assez vite ! bientôt le "chef" arriverait au niveau de Bernard. La main de ce dernier continuait de farfouiller dans le sac-à-dos lorsque le bout de ses doigts tombèrent sur l’objet qu’il cherchait.

- petit connard, laisse tomber ton sac, fiche nous la paix et tous les quatre, descendez du wagon au prochain arrêt, si vous le faites pas, je vous butte !

Bernard, bien campé sur ses jambes, brandissait un énorme pétard en direction du jeune qui fut tellement surpris qu’il en ouvrit grand la bouche tout en laissant tomber son couteau et le grand sac qu’il était en train de remplir avec les objets collectés dans le wagon !

Les autres passagers se mirent à hurler ! Ils ne s’étaient pas aperçus de la présence de Bernard jusqu’au moment où il s’était mis à gueuler, et ils avaient plus peur de ce grand type armé que des petits jeunes qui étaient en train de les braquer.

- arrêtez de gueuler et couchez-vous plutôt sur le sol, bande de trouillards !

Tous obéirent et arrêtèrent de crier. On pouvait juste entendre une femme ou deux pleurnicher.

Le métro s’arrêta à la station suivante et les jeunes sortirent comme des bombes du wagon et cavalèrent en direction de la sortie sans demander leur reste.

Bernard se mit alors à rigoler tout seul. Il sortit sa tenue de travail de son sac et l’enfila devant les gens ébahis !

- bande de nazes ! c’est pas un pistolet mais un jouet et comme vous pouvez le voir, je suis un père noël : vous pouvez récupérer vos affaires, les p’tits cons les ont laissées en s’enfuyant !

Les deux femmes qui jusqu’alors pleurnichaient piquèrent une crise de nerf.

Bernard, à la station d’après et juste avant de descendre du wagon pour aller prendre son changement leur cria :

- joyeux noël quand même et surtout inutile de me remercier !

C’est à ce moment-là que les gens réalisèrent ce qui s’était passé et qu’ils se mirent à crier tous ensemble "Joyeux Noël et merci Père Noël !"

- ouais ! joyeux noël à vous aussi, bande de ploucs !

"J’ai l’air fin moi maintenant pour rentrer chez moi, déguisé en père noël", bougonna encore Bernard en se dirigeant vers sa correspondance, "pourvu que je ne croise pas les voisins".


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