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Légende

Il y a 1 an | 715 vues

Molly Cassenoisette, la sorcière.

 

Depuis quelques temps, Molly Cassenoisette  la sorcière  retrouvait des crottes noires en tirebouchon sur son paillasson, sa terrasse et  dans sa brouette. Même son balai et son chaudron étaient souillés au matin, son chat noir Méphistophylis  crachait sa colère en reniflant  leur odeur. Un intrus parcourait de nuit le jardin sans se gêner !

Molly Cassenoisette sortit son livre de recettes pour les potions poisons et toute sa panoplie d’ingrédients : limaces tigrées, poil de zèbre, œil de lézard, huile de foie de morue, pipi de chat, ongle de chauve-souris , queues de rats, dents de caïmans , cuisses de mouches et bien d’autres douceurs encore. Ah ! Elle allait oublier la poudre de perlimpinpin, celle qui piquait comme du pili-pili et faisait fumer les narines. Et puis les coquilles d’escargot qu’elle pilerait avec ses gros sabots en dansant le flamenco.

Elle attendit minuit pour mettre un peu de tout dans son chaudron. Elle mélangea avec sa grande cuillère en bois de cerf, cracha plusieurs fois pour  lier la mixture puis  la laissa caraméliser  au clair de lune sur le bord de sa fenêtre. Hululuberlu le hibou eut l’ordre d’ouvrir l’œil et le bon pour surveiller la potion et Méphistophylis fut chargé de faire des rondes toutes les trois heures.

Molly Cassenoisette se retira dans sa chambre de sorcière. Les rideaux en toiles d’araignée flottaient à la fenêtre quand elle se glissa sous  sa couette en peau de boa. Dans le lit on ne voyait plus que  son bonnet de nuit en fourrure de putois sur son oreiller noir.

Soudain vers six heures  elle fut réveillée par des miaulements terribles et Hululuberlu qui s’époumonait : Hou ! Hou ! Hou ! Vite elle chaussa ses sabots et saisit son balai. Elle l’enfourcha, s’envola dans le petit jour et déboula dans le jardin. L’atterrissage fut difficile, elle tomba les fesses dans sa potion qui s’était renversée.  Un vrai chewing-gum !

 Quand elle put  enfin s’en dépêtrer, Hululuberlu  prit la poudre d’escampette. Il avait peur des sorts de Molly Cassenoisette. Une fois elle l’avait transformé en rat mort et l’avait oublié pendant huit jours avant de lui redonner des ailes. Il préférait se mettre à l’abri  dans le trou du gros chêne. De là il continuerait à surveiller la scène.

La potion avait bien caramélisé, Molly Cassenoisette collait de partout ! Toujours sur son balai elle fit trois tours de jardin avant de repérer un drôle de goupillon dans les lavandes. A son approche il se mit à feuler comme un lion.

La sorcière était sur ses gardes. Elle leva les mains en l’air, agita ses doigts aux ongles crochus dont le vernis noir lança des éclairs :

-Abracadabra ! Abracadabru ! Abracadabro ! Abracadabrine ! 

Soudain le goupillon bondit sur quatre pattes toutes griffes dehors. Surprise Molly Cassenoisette recula si brusquement que son balai fila tout seul comme une fusée vers la fenêtre de sa chambre.

-Méphistophylis !

Le chat n’était qu’une bogue de piquants. Une grosse châtaigne noire ! Seul son nez rose en sortait, deux ronds luisants dans ses yeux jaunes montraient qu’il avait peur.

Molly Cassenoisette chercha dans son livre de sorts comment elle pourrait redonner une fourrure douce à son matou. Méphistophylis but tous les breuvages : un jour les piquants étaient roses, un autre verts. Puis en caoutchouc, ensuite frisés pour finir en acier : il était devenu  un hérisson de ramoneur.

Honteux et confus par son apparence, il ne sortait plus et chaque matin Molly Cassenoisette trouvait toujours des crottes noires en tirebouchon sur son paillasson,  sa terrasse et  dans sa brouette. Elle avait déménagé son balai et son chaudron par précaution.

 Hululuberlu voyait bien depuis son arbre qu’une mystérieuse boule ébouriffée comme un chardon déambulait et déféquait dans le jardin. Il avait assisté à la bagarre l’autre nuit, avait vu Méphistophylis l’envoyer en l’air d’un coup de patte comme un ballon. Mais voilà ! La boule lui était retombée sur le dos  sans qu’il puisse se débarrasser des piquants!

Mais motus et bec cousu ! Maître hibou avait bien plus de souris à chasser depuis que le chat n’était plus dehors, elles dansaient. Il avait compris que dame hérisson préférait les limaçons.

Molly Cassenoisette déprimait, toutes ses recettes de potions n’apportaient aucune solution. Méphistophylis restait hérisson de ramoneur. Elle finit par oublier  que c’était le chat le plus maléfique qui soit jusqu’au soir du 24 décembre.

Comme chaque année  la sorcière mit ses sabots devant la cheminée avant d’aller se coucher. Eh ! Oui ! Le père Noël n’oublie jamais personne,  même Molly Cassenoisette aurait un cadeau. Un nouveau balai, un chapeau pointu en satin, un pot de crème à la bave de crapaud pour son teint peut-être ?

Vers minuit Hululuberlu entendit les grelots qui s’approchaient du manoir puis le clac, clac, clac  des sabots des rennes. Le traîneau stationna sur le toit, un bonhomme tout de rouge vêtu s’engouffra dans la cheminée.

Méphistophylis vit débarquer à l’intérieur un bonhomme tout noir dans un nuage de suie !

-Sapristi de sapristi ! Cette Molly Cassenoisette ne doit jamais faire le ménage !

Le père Noël empoigna le hérisson de ramoneur qui se mit à miauler désespérément.

-Sapristi de Sapristi ! Encore un tour de cette satanée Molly Cassenoisette !

Quand le chat eut fini de raconter son histoire le vieil homme à barbe blanche se gratta le menton. Puis il sortit de sa hotte un petit sachet de croquettes au citron qu’il déposa dans les sabots de la sorcière.

-Tu verras ça s’arrangera Méphistophylis. Je te le promets.

Le lendemain Molly Cassenoisette fut un peu déçue. Elle espérait un nouveau balai car l’ancien ne lui obéissait plus depuis la mésaventure de son chat. Elle goûta du bout des dents les croquettes puis s’empiffra tout tellement c’était délicieux.

 Dans la soirée Méphistophylis remarqua ses yeux jaunes, puis ses oreilles pointues, puis ses moustaches, puis ses poils noirs, la sorcière devenait CHAT. Elle essaya de s’arracher la queue, elle griffa le tapis, courut dans tous les sens puis disparut comme si elle avait le feu aux fesses.

Dans le grand miroir Méphistophylis se regarda  son tour : son nez s’était allongé, ses oreilles et ses yeux s’étaient arrondis et surtout il pouvait bouger ses piquants, marcher et même se mettre en boule.

Hululuberlu faillit tomber de son perchoir quand il vit un hérisson franchir la porte du manoir.

Jamais on ne revit Molly Cassenoisette et le jardin devint la maison des hérissons avec des crottes noires en tirebouchon sur le paillasson, la terrasse et  dans la brouette.

 


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