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EglantineLilas
Légende

Il y a 1 an | 387 vues

Chez le boulanger

Ce n’est pas qu’elle soit plus pressée que ça, mais c’est un principe, du moment qu’elle daigne venir se servir ici, il n’y a pas de raison qu’elle attende le bon vouloir du boulanger.

D’un autre côté, on ne peut pas dire que Bertrand s’affole beaucoup, quel que soit le nombre de personnes qui patientent. Des restes de sa jeunesse de beau gosse, à soixante ans passés, il pense pouvoir en user et même en abuser, auprès de la gent féminine, et c’est à loisir qu’il prend le temps de papoter.

Son commerce, qui a bien prospéré ces dernières années, lui a permis d’embaucher une petite équipe qui travaille maintenant à sa place, au fournil, lui laissant ainsi la possibilité de se pavaner dans la boutique.

- C’est bien long ce matin, Monsieur le boulanger, on a oublié de se réveiller ?

- Ah ! Tiens, M’âme Églantine, vous êtes là ! C’est votre chat qui attend les croissants ?

- Ça vous amuse de faire rire la galerie, vous feriez mieux de vous occuper de vos clients au lieu de…

- Au lieu de quoi ?

- Je me comprends !

Je me comprends certes, avec ses mains qui se baladent sans arrêt sur la petite, sûr que le travail n’avance guère. Depuis qu’il l’a embauché, et qui sort dont on ne sait où d’ailleurs, cette petite, il faut faire la queue pendant des heures ! Comment elle s’appelle… Ah oui Sophie !  Il faut dire que sa femme est aimable comme une porte de prison, jamais le sourire, jamais un bonjour ni un au revoir, alors la petite ça change !

- Allons, allons, souriez un peu, je vous sers quoi ?

- Comme d’habitude pardi, je ne suis pas comme certain qui n’aime que le changement !   Et toc prend toi ça comprenne qui pourra.

Il parait que Madame a ses humeurs ! De temps en temps, elle disparait pour aller voir soi-disant sa mère malade, on la connait la chanson ! Elle a bon dos la mère, moi, je pencherai plutôt, pour un galant !

À sa place, je ne laisserais pas mon mari avec la petite Sophie, d’autant que les gamines de maintenant, on ne sait pas trop ce qu’elles ont dans la tête. Un homme est homme, et le jules n’est pas trop mal pour son âge ! On dirait cependant que depuis que la jeunette est là, madame part moins souvent.

- Et voilà, à la prochaine, M’âme Églantine, bonjour à votre chat.

- C’est ça, c’est ça ! Il a de la chance que son pain soit le meilleur. Il ferait mieux de s’occuper de sa femme ! 

- Tiens, M’âme Josette, armez-vous de patience, on ne peut pas dire que le service soit rapide en ce moment.

- Aujourd’hui, je ne suis guère pressée, mais vous me semblez énervée ?

- Il y a de quoi, depuis que la jeunette est à la vente, la queue se rallonge, enfin surtout par ces messieurs qui tout d’un coup s’empressent d’aller chercher le pain…

- On ne voit pas trop Madame en ce moment, à ce qui se murmure ?

- Je me suis laissé dire, que lorsqu’elle est partie pendant plus d’un mois, pour sûr qu’elle a dû aller en Suisse se refaire une jeunesse. L’est rentrée toute requinquée, mais l’a pas dû se regarder comme il faut dans la glace, parce qu’elle n’arrive plus à sourire, encore moins qu’avant son voyage.

- Pour le sourire, il est évident qu’elle ne sait pas trop ce que c’est…

- C’est certainement, parce qu’on lui a trop tiré la peau du visage, à moins qu’on lui ait greffé la peau de ses fesses, qui sait !

- La peau des fesses, vraiment, vous croyez ? Oh, quand même !

- Mais oui, que j’ai entendu dire que ça se faisait… Je ne sais plus où d’ailleurs, les nouvelles, on ne sait jamais d’où elles sortent. Mais ce n’est pas moi qui vais aller le raconter, motus et bouche cousue, tout de même, l’air de rien, je demanderai à M’âme Josiane, elle sait beaucoup de choses elle... Allez, à la prochaine, M’âme Josette !

- Au plaisir, M’âme Églantine… Enfin si je peux dire, en fait, je ne sais pas trop si elle m’amuse ou me désole avec tous ses racontars !

Page 59 du livre, Bavardages indiscrets.  


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