Retour
visuel principal de la chronique
EglantineLilas
Légende

Il y a 1 an | 344 vues

Soir de noël en Provence

Elle vivait un peu recluse dans une petite maison située au fond du village, malgré le soin  que prenaient ses voisins à  lui rendre visite régulièrement. Le maire de cette petite commune avait, lui aussi, succombé aux nouvelles coutumes et dès le mois de novembre, les employés municipaux avaient illuminé à  "giorno ", l’unique rue avec de belles guirlandes. L’aïeule pestait à voix basse,  lorsqu’elle allait faire ses courses, contre ces dépenses inutiles, ce gaspillage. Noël ou pas, de son temps les joies étaient plus simples et bien moins coûteuses

La solitude ne lui faisait pas peur puisque devenue veuve jeune, elle avait élevé ses cinq enfants avec beaucoup de courage et le cœur à l’ouvrage.  Mais penser à Noël la perturbait, car  cette année plus spécialement, cela ne se présentait pas sous de bons auspices pour une réunion de famille. Aujourd’hui, tout ce petit monde était dispersé ici et là.

La fatigue était bien là, l’aïeule devait bien l’admettre, c’est qu’approcher les quatre- vingt dix ans ce n’est rien et si la tête allait bien, le corps lui manifestait quelques faiblesses. Le courage lui manquait de recevoir enfants et petits-enfants pour de grands repas familiaux, néanmoins elle était prête à demander main forte à Naïs sa voisine pour des retrouvailles à noël. Seulement voilà, les enfants qui téléphonaient régulièrement, n’évoquaient jamais la fête et nul parmi eux, n’avait eu idée de l’inviter et nous n’étions plus qu’à quelques jours du 24 décembre. Elle évitait de les juger, mais son cœur était en souffrance.

Pas question cependant de faillir aux coutumes et le 4 décembre, comme toutes les années depuis qu’elle avait fondé sa cellule familiale,  elle avait planté dans trois coupelles, du blé qu’elle mettra le soir du 24 décembre,  sur la table  revêtue des trois nappes blanches traditionnelles et tant pis si elle était seule. Si le blé voulait prospérer,  ce serait un bon présage pour toute la famille, ne l’avait-elle pas planté en pensant à eux tous ! C’est tout doucement et avec d’infimes précautions qu’elle déballa les santons et installa la crèche sur le pétrin près de la cheminée, comme d’habitude. Chaque santon avait une histoire particulière et lui fallut bien la journée pour mettre tout en place.

Les jours s’égrenaient et la tristesse envahissait de plus en plus l’aïeule, qui se gardait bien de se plaindre cependant auprès de quiconque. Lorsque Naïs, vint la chercher le soir de noël pour assister à la messe de minuit, après quelques hésitations, elle décida de l’accompagner, ça ne servait à rien de se morfondre toute seule, se dit-elle,, c’est ainsi, il faut accepter ce qui nous est réservé.

Elle déplaça un peu les bûches dans la cheminée avant de partir, pour éviter que les escarbilles ne tombent sur le parquet, brancha les lampes dans le séjour afin que son retour fut moins triste et quant à manger quelque chose, il y avait bien les treize desserts qu’elle avait installés sur la table et pour son petit appétit elle trouvera bien quelque chose à grignoter, il y avait suffisamment de réserves dans la maison.

La crèche vivante et les chants de noël avec les enfants du village lui réchauffèrent le cœur et c’est joyeuses qu’elles reprirent toutes deux, le chemin du retour. L’aïeule embrassa chaleureusement Naïs, avant de la quitter et lui souhaita un heureux noël en famille, mais refusant de se joindre à eux. En approchant de sa maison  dans l’impasse, un peu d’inquiétude la saisie, ayant l’impression que la lumière à travers les volets était un peu plus vive qu’à son départ. Non qu’elle eut peur des voleurs, mais plutôt du feu dans la cheminée qui  peut être s’était réveillé. Elle accéléra le pas et entra rapidement dans la maison.

Le lustre, orné de guirlandes,  brille de mille feux, la table est garnie pour un festin royal, une bonne odeur s’échappe de la cuisine,  les chandeliers lancent de joyeuses lueurs sur les murs et surtout,  toute sa famille, du plus petit au plus grand, est là, parlant à qui mieux mieux dans un beau et heureux brouhaha  autour de la cheminée. L’enfant Jésus dort paisible dans la crèche et même le sapin que les petits enfants ont décoré, trône fièrement  dans la maison.

Les soirs de noël il y a forcément des miracles en Provence, ne dit-on pas que Jésus y est né ? … Mais on dit tant de choses !
 


Alertes