Il y a 1 an | 304 vues
Ma coccinelle.
C’est sous la corolle d’une rouge coccinelle, à l’ombre de ses pois noirs que dans une nacelle d’osier j’ai pris mon envol en ce soir de juillet.
Toute ronde d’air et de feu, la montgolfière portée par un vent fluet nous a posés en apnée au-dessus du Cher, petit ruban de lumière dans la crinière de ses rives.
Elle a caressé furtivement la hampe des peupliers, frissons de feuilles puis elle a glissé dans un soupir, Eole la taquinant vers les tourelles d’ardoise d’un fringant château chevauchant la rivière. Un tour sur elle-même comme si elle était fière de surplomber ce royal logis aux jardins accolés, celui de Diane, celui de Catherine estampillés d’amour en massifs dessinés. Elle porte son ombre comme un sceau malicieux sur cette toile d’en bas graphique et somptueuse.
Le silence quand elle n’éructe pas --et sa toux est brûlante- pour assurer son vol, le silence est coton, on avance dans des blancs tellement doux aux oreilles.
Les champs blonds d’après-moisson moutonnent de balles de paille rangées en lignes, la terre sèche des parcelles scarifiées par les roues du tracteur incruste des labyrinthes, j’en prends conscience : le paysan est un artiste.
Cette géographie coiffée de forêts opulentes où dorment des trous d’eau garde l’empreinte des chevauchées royales. Point de gibier visible, juste une cohorte de vaches rousses à la tête levée : le ciel est habité, douze ballons dansent dans l’air du soir, robes de couleurs chamarrées gonflées d’importance à qui serait le plus beau. Mais c’est ma coccinelle la plus belle, la plus courageuse à nous transporter, seize dans un panier d’osier.
Et puis il y a l’habitat, le chien dans la cour, les gens dans le jardin dont on n’entend rien. L’ombre aussi à cette heure du jour sculpte les points de vue leur donne de l’épaisseur juste un velours ourlant les silhouettes. Tout est tangible et muet et pourtant quelle résonnance pour le regard qui balaie le panorama avide de tout étreindre.
Ma coccinelle mine de rien a plané sur une quinzaine de kilomètres. Point de vertige, elle est hardie. Mais le soleil a pris ses quartiers à l’horizon, ma montgolfière en a fait son tour. Elle s’essouffle, on sent son corps flotter et surtout on descend, doucement coccinelle revient à la terre, coccinelle des champs elle devient.
J’ai du silence plein la tête et des images qui se chahutent pour trouver une place. Là-haut un tout petit nuage me fait signe de la main ; merci Léonardo, tu étais un génie!
29/01/2023 13:55
Merci pour ce beau partage !