Magnifique – Jean-Félix de La Ville Baugé – 2023

Elle s’appelle Magnifique Umuciowari, elle a grandi dans la petite ville de Massongo au Rwanda ; elle est Tutsi. Sa mère est folle, son père est éleveur, il la surprotège. Elle rêve de devenir miss Massongo. Elle devait avoir 18 ans au moment des massacres…

Coup du sort : coup de machette mal placé, elle reprend connaissance écrasée sous les corps de ses parents, s’échappe et survit pendant cent jours cachée, enterrée, ne sortant qu’à la nuit pour se nourrir. Amenée dans un camp de réfugiés, elle sera remise sur pieds, notamment grâce au soutien constant de l’humanitaire qui le dirige. Il tombe amoureux d’elle, la ramène en Suisse et l’épouse. Elle continuera sa vie dans ce calme pays, entourée de sa nouvelle famille et s’activant en permanence pour ne pas être détruite par ses souvenirs. Car quand ils la submergent, les conséquences sont terribles : syncope, paralysie, crise d’hystérie… Elle n’a jamais réussi à raconter à son mari et ses enfants ce qui lui est arrivé, ni ce dont elle a été témoin. C’est donc par écrit qu’elle le fera.

Jean-Félix de la Ville Baugé est avocat mais a fait une partie de sa carrière dans l’humanitaire ; il sait de quoi il parle et cela se sent : je me suis demandé si ce livre n’était pas un témoignage plutôt qu’un roman.

Bien sûr, on peut se dire que ce récit est cousu de fils blancs, ce prince charmant qui sauve sa belle pour l’emmener loin du danger, mais l’important est ailleurs. Il est dans la description des conséquences intimes d’un tel drame, alors même que Magnifique a été relativement épargnée par rapport à d’autres Tutsis _ elle n’a pas subi d’atrocités physiques mais en a été témoin.

L’intérêt est aussi dans la mise en perspective des évènements historiques et militaires : le roman ne se contente pas de relater des horreurs qui nous amèneraient à penser « pauvres Tutsis, salauds de Hutus », il nous évoque aussi la situation des Hutus et le rôle des puissances étrangères dans cette affaire. Il nous fait réaliser que les choses sont beaucoup plus complexes qu’on nous les présente et qu’il faut toujours chercher d’autres sources d’information, sous peine de voir nos opinions manipulées.

En marge de ce fil directeur, j’ai trouvé qu’il y avait aussi une belle analyse de la communication au sein d’un couple.

Pour ce qui me concerne, allez savoir pourquoi, la guerre au Rwanda est celle qui m’a le plus marqué. Est-ce le souvenir inaltérable, quelques jours après la destruction de l’avion présidentiel (évènement déclencheur), de la retransmission à la radio de l’appel au secours d’une ministre qui se trouvait à bord ? est-ce le fait que des gens soient capables de massacrer leurs propres voisins alors qu’ils se connaissaient depuis longtemps et avaient joué ensemble étant enfants ? Toujours est-il que j’ai lu beaucoup à ce sujet, et ce livre apporte encore un nouvel angle de vue ; je l’ai dévoré d’une traite, tant il est pertinent.

Je suis ravi que le plouf plouf me l’ait attribué et je remercie encore le Forum des lecteurs pour cette Magnifique découverte !

Un témoignage sur le même thème : Génocidé de RURANGWA Révérien