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Lebrac25
Débutant

Il y a 1 an | 152 vues

De la stupidité crasse de la censure ...

Grégoire, quinze ans, est un jeune à part . Caractère sensible, lecteur avide au vocabulaire très étendu, discret, sans histoire et malheureux . Ou, en tout cas, pas vraiment heureux . Son exutoire ? Les fanfictions qu'il rédige et publie sur un forum en ligne où son petit panel, très modeste, de lecteurs l'encouragent à écrire les aventures de Max Egrogire et de Chloé Rembrandt, deux héros exemplaires de cape et d'épée aussi sages et policés que lui : les justiciers, les grands cœurs typiques qui pillent les riches pour mieux venir en aide aux pauvres . 

Un jour, au lycée, un « camarade » nommé Antoine ( synthèse quasi parfaite de tout ce qu'il y a de plus brutal, stupide et cruel chez les adolescents ) profite d'un cours de natation pour multiplier les remarques humiliantes sur ... la taille du sexe de l'aspirant auteur . Les moqueries touchent viscéralement Grégoire qui va trouver un ( douloureux ) prétexte afin de gagner autant de temps qu'il le pourra loin de ce milieu scolaire étouffant . Chaque délai chez lui est bon à prendre, ne serait-ce qu'un jour de plus ... 

Dans son désarroi, après avoir passé un certain temps à se morfondre, il rédige alors un retournement de situation qui va augurer d'un changement drastique de ton dans les aventures de ses deux protagonistes . Il se jette à l'eau : la dernière histoire qu'il publie voit Max Egrogire mourir sans plus de cérémonie et le chapitre se conclure sur une note particulièrement osée . Pour dire les choses directement : une note porno . Lorsqu'il consulte, inquiet, les réactions, il constate que son chapitre à été supprimé par les modérateurs et que ses lecteurs ont cru à une mauvaise blague ou n'ont pas hésité à lui dire leur déception . Tous sauf un(e) certain(e) Kika93 qui, au contraire, a trouvé ça intéressant et va même lui proposer de poursuivre dans cette veine . 

Les chapitres suivants des pérégrinations d'une Chloé Rembrandt dorénavant seule seront alors de plus en plus physiques, de plus en plus explicites . À mesure qu'il échange avec Kika93, le jeune écrivain n'ayant jamais vécu de réelles expériences sexuelles avec une fille écrit en terrain encore mal connu pour lui et redouble de recherches, de travail, d'hésitations, mais surtout d'excitation . Les critiques et les messages de sa lectrice exclusive vont, avec beaucoup de verve et d'humour, changer énormément de choses et, non, pas uniquement sur le plan sexuel . 

Car ici est la chose à retenir : Kika93 lui dira que ce qu'elle/il apprécie dans le porno, c'est justement quand ça ne se contente pas d'être du porno ; que ses histoires ne se limitent pas à lui donner chaud au bas ventre mais aussi à la tête ; en somme, que la sexualité doit avant tout être affaire d'épanouissement et de plaisir avant d'être un bête affichage de corps ridiculement parfaits, de sexes disproportionnés, une mécanique stéréotypée de brutalité qui angoisse plutôt qu'elle fait du bien . 

... à l'issu d'une longue discussion avec son père, Grégoire se décide à parler au directeur du lycée à propos du harcèlement qu'il subit et envisage aussi de lui mentionner son envie de s'engager sur le plus long terme dans une carrière d'auteur . Il commence déjà à hésiter : roman ou pas ? 

Pour ce qui est de Kika93, il accepte - avec beaucoup d'appréhension - une rencontre réelle . Le livre se termine à quelques minutes à peine du rendez-vous qui lui fait si peur mais sans lever le mystère sur l'identité de son/sa correspondante * . Chacun sera libre de l'imaginer comme il le souhaite car Manu Causse s'amuse à brouiller les pistes et donner quelques suggestions rapides juste dans les dernières lignes . 

* À titre plus personnel, j'imagine Kika93 comme une camarade de classe . Une jeune fille qui aurait reconnu l'auteur des histoires de Max Egrogire et de Chloé Rembrandt et aurait préféré l'aborder de cette façon, pour l'aider à « se lâcher », à libérer son imagination, sans trop le brusquer . Qui sait ? 

En mot de la fin : La collection à laquelle appartient Bien trop petit s'adresse aux adolescents/jeunes adultes . La tranche d'âge est clairement établie . L'interdiction récente à la vente de ce livre qui aborde le thème de la sexualité pour aider à relativiser et à décomplexer les jeunes qui se questionnent là dessus est hypocrite, surtout aujourd'hui : la première exposition à du contenu pornographique sur le net arrive en moyenne vers les onze ans . Sans filtre, sans restriction, de façon directe et bien plus nocive que la lecture de ce roman pourrait l'être pour un ado de quinze ans . 

 

 

 

 


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