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Lebrac25
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Il y a 1 an | 143 vues

Introduction à la philosophie dans un classeur

C'est par une correspondance surprise entre Sophie Amundsen - bientôt quinze ans, dont l'anniversaire approche à grands pas - et un mystérieux professeur de philosophie que tout commence . De larges enveloppes blanches remplies de feuilles dactylographiées l'attendent régulièrement dans sa boîte aux lettres et captivent bien vite son intérêt . Des lettres ne posant tout d'abord que de simples questions lui font tout revoir de zéro et arrivent ensuite de véritables leçons de philo en bonne et due forme, entrecoupées de petites mises au point et d'encouragements à s'émerveiller . Qui lui envoie ces cours ? Comment ces questions, paraissant d'abord loufoques ou de comiques lapalissades, arrivent elles à l'intriguer autant ? Et qui est cette Hilde, dont le nom surgit parfois, subrepticement, au détour d'un mot amical de son professeur ?

La vulgarisation, dans ce qu'elle a de meilleur, y gagne ses lettres de noblesses . Jostein Gaarder emploie l'approche maïeutique chère à Socrate . Les différentes écoles de pensée de la philosophie occidentale - des siècles les plus lointains de la Grèce antique à l'existentialisme - sont présentées accompagnées d'une recontextualisation historique bienvenue et le lecteur ( Sophie comme celui qui lit le récit) est invité lui aussi à se poser des questions. Loin des résumés répétitifs ou des reproductions de méthodes scolaires préconçues, Sophie est incitée par son professeur à " revoir les choses avec les yeux d'un enfant ", l'esprit grand ouvert, et à exprimer son avis . Cela peut prendre la forme d'exercices pratiques comme ressortir ses vieux Lego ou visiter les abords d'une énigmatique église médiévale . Les concepts sont illustrés avec brio grâce au personnage de Sophie qui participe pleinement aux cours que lui adresse son correspondant . 

Les idées des grands noms de la pensée européenne sont là afin de mieux mettre l'élève sur ses propres rails tout en lui inculquant les bases les plus marquantes de la discipline, en repéres .

Aussi patiemment et avec la même curiosité que Sophie range soigneusement les cours et lettres de son nouvel ami, on suit les chapitres comme une collection, une bibliothèque . Le roman prend la forme d'une anthologie et l'enquête menée par Sophie d'une performance de style : entre roman, divagation narrative, et essai philosophique . On voit la petite existence quotidienne de Sophie bousculée, la philosophie poindre dans chacune de ses tranches de vie : chez elle, au collège, au cours d'une discussion avec sa mère, son amie Jorunn . Puis les mystères, les cachotteries, Hilde, le major, les invités fictifs inopinés, font de nouveaux passages éclairs entre les lignes lorsqu'on s'y attend le moins jusqu'à la dernière page .

Ce roman accomplit le premier devoir d'un ouvrage vulgarisateur : servir de point de départ . Tremplin idéal pour entrer dans un univers souffrant d'une réputation d'opacité, de matière difficilement accessible, Le monde de Sophie nous offre une introduction grandiose à la philosophie dans un classeur bourré de feuilles dactylographiées délicatement rangées entre une boîte de Lego et une cassette vidéo touristique d'Athènes .

" Comme tu sais, je tiens à te faire un cadeau qui te permette de grandir "

C'est chose faite . Un merveilleux cadeau d'anniversaire .

 


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