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mariefd
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Il y a 1 an | 96 vues

La confession d'un bâtard du siècle. Ludovic Janvier. Fayard, 2011

Ludovic Janvier n’a  pas pu voir la publication de ses deux derniers livres Apparitions recueil de courtes nouvelles publiées une fois encore par Gallimard, et Paris par cœur, ces promenades dans la capitale présentées avec une entrée alphabétique et éditées par Fayard.

Décédé en 2016,  il  a   définitivement « donné cesse à son promenoir », une expression qui l’avait charmé dans un vieux texte du dix-septième, l’Astrée, lui, le poète en prise avec les recherches d’écriture les plus contemporaines.

« Une parole exigeante », c’est le titre d’un de ses premiers travaux , consacrés au Nouveau Roman, qui avait fait de lui  un spécialiste reconnu de ce mouvement littéraire du vingtième siècle. Cet ami de Beckett aura aussi été un de ses plus fins connaisseurs (il est par exemple l’auteur du « Beckett par lui-même » dans la célèbre collection du Seuil).

Dès le début des années soixante-dix, il se lance résolument dans le creusement de son sillon personnel (l’expression est de lui).  Exigeant, difficile même, avec les textes des autres, il le sera plus encore avec les siens. Mais exigeant ne veut pas dire ennuyeux : Ludovic Janvier aura défriché plus que tout autre des zones ignorées de la Littérature, n’hésitant pas à juxtaposer dans romans, nouvelles et poésie le plus prosaïque et le  plus « élevé », Mozart et le rugby, sans oublier Paris ou New York… et Perpignan, souvent évoquée ! (je souligne car c'est ma ville de cœur..)

Dans "La confession...", roman autobiographique, il traverse son époque en poète, "un peu content, jamais content, cherchant pour toujours la note juste jusqu'au for du désastre". Bien sûr le clin d’œil dans le titre est évident et le contrepied ironique de la couverture sur laquelle figure la photo coupée en deux d'une mère et son enfant vient souligner le caractère réaliste du récit (Ludovic Janvier étant né d'un père inconnu et d'une mère qui le rejette).

Rien de mieux pour donner un avant- "goût" (!) de l'écriture: "Un gros chat roux, silencieux, l'air furax d'être resté coincé tigre miniature. Avec lui pas question de mamours. Il a boulotté les lapins de Fernand. Les bébés lapins, cinq touffes gris cendré dans un berceau de poils gris cendré, duvet plutôt que poils. C'était il y a dix jours. Résultat : le chat est sur la broche dans la cheminée. On le tourne tous les quarts d'heure en l'arrosant avec le jus qu'on prend dans le plat juste dessous. C'est moi qui arrose (...). "Tu sais le gros chat roux? je dis à Francis, eh ben c'est nous qui l'avons bouffé, et tu apprendras que c'était rudement bon, cuit à point, gras juste ce qu'il faut, pas sec du tout, un vrai régal". Je m'entends lui parler, je le regarde m'admirer. D'habitude c'est moi qui admire, surtout ses biscotos et son gros outil, là ça va être lui. (...) Au fait c'est ça le principal. Pas manger le chat, mais dire qu'on l'a mangé. (...). Je viens de m'en rendre compte en regardant Francis étonné : c'est pas le goût du chat le principal, le principal c'est les mots pour dire le goût du chat." (Tout est dit de la fonction de l'écriture...). 

Un auteur à découvrir absolument! 


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