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smarx

Il y a 1 an | 113 vues

Celles qu'on tue

Comment sortir indemne de la lecture du roman de Patricia Melo lorsqu’on est une femme ?

De A à Z, la narratrice, égrène des cas de féminicides en y associant sa propre histoire d’amour avec un homme violent et harceleur et celle de sa mère, morte sous les coups de son père. Avocate, elle est envoyée par son cabinet dans l’Acre, la région qui présente le plus fort taux de féminicides du Brésil, afin de couvrir les différents jugements.

Au cœur de la narration et de l’intrigue, le procès de trois jeunes blancs, issus des familles des premiers colons de la région, familles qui ont forgé leurs fortunes sur les corps des indigènes. Accusés d’avoir violé, torturé et tué Txupira, une jeune indigène de quatorze ans, ils en sortiront blanchis, faute de preuves. Témoin d’une collusion entre les accusés et certains jurés, la narratrice se mettra en danger et mettra son entourage en danger en voulant dénoncer cette injustice.

Un roman perturbant. A force d’empiler les victimes dans un cahier, la narratrice en viendra à n’envisager chaque homme que comme un tueur en puissance.

Seul le personnage de Marcos, fils du patron de l’hôtel où loge la narratrice et de mère indigène, redore le blason du genre masculin. Il lui fera rencontrer la communauté de sa mère, leur culture, leurs rites chamaniques. Là, sous l’emprise de l’Ayahuasca, un puissant hallucinogène, la narratrice imaginera des victimes vengeresses et l’avènement d’un matriarcat triomphant.

Un roman coup de poing, qui dénonce les violences faites impunément aux femmes ainsi que le mépris pour les peuples indigènes et la politique de Jaïr Bolsonaro.

« Nous, les femmes, nous tombons comme des mouches. Vous, les hommes, vous prenez une cuite et vous nous tuez. Vous voulez baiser et vous nous tuer. Vous êtes furax et vous nous tuez. Vous voulez vous amuser et vous nous tuez. Vous découvrez nos amants et vous nous tuez. Vous vous faites larguer et vous nous tuez. Vous vous sentez humiliés et vous nous tuez. Vous rentrez fatigués du travail et vous nous tuez. Et au tribunal, vous dites tous que c’est notre faute. Nous, les femmes, nous savons provoquer. Nous savons vous taper sur les nerfs. »

 


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