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Il y a 1 an | 179 vues

Katsushita Hokusaï (1760-1849)

Hokusaï était le peintre et le dessinateur le plus doué de son temps avec plus de 30 000 dessins, estampes et peintures ; c'était un personnage hors du commun qui est devenu un Maître de son art.

Toutefois, il n'a jamais été possible de dire quel était son véritablement nom car ceux qu'il se donnait sont assez nombreux.

A cette époque, dès le XVIIème siècle, deux grandes villes étaient opposées : d'un côté Osaka à l'ouest, la ville impériale et, de l'autre, Edo (Tokyo) à l'est, la ville des Shogun.

Edo, à l'ombre du palais forteresse du pouvoir était la ville du négoce et des artisans, la ville des distractions qui s'est installée sur l'emplacement de la vieille ville populaire de Shitamachi et développée sans aucun concept urbaniste se dispersant au fil du temps selon les anciens tracés des cheminements agricoles.

C'est à cette période qu'est né Hokusaï.

Il faut recourir à la rêverie philosophique pour pénétrer dans le monde de Edo et dans celui des artistes où le goût extrême du détail dont témoigne tout l'art japonais est tourné à l'obstination.

Détail que l'on retrouvera dans les représentations du théâtre Kabuki qui était interprété, à ses débuts, par des femmes actrices lesquelles ont été accusées de dévergondage et remplacées par des hommes acteurs.

Hokusaï naquit un jour de l'année 1760 à Edo dans le district de Honjo, zone aussi connue sous le nom de Katsushita (dont il fit son prénom) et fut, à l'âge de trois ou quatre ans, adopté par un artisan fabricant de miroirs pour la cour du Shogun. Rapidement, il manifesta de l'intérêt pour le dessin et la peinture.

A treize ans, il entra en apprentissage chez un xylographe et, à quinze ans déjà ,il gravait lui-même les six dernières feuilles d'un roman humoristique. A dix huit ans, il décida de quitter l'apprentissage, voulant devenir lui-même peintre en s'inscrivant dans un atelier spécialisé en portrait d'acteurs.

A dix neuf ans, il se fait remarquer pour la première fois ,grâce à une série réussie de portraits d'acteurs.

Cela aura marqué le début d'une activité modeste d'artisan du dessin.

Toute sa vie, il gardera cette situation sociale simple et ne fonda jamais d'école bien qu'il eût de nombreux élèves.

Il ne sut jamais gérer ni la gloire ni l'argent qu'il recevait ; pour lui , l'argent n'avait pas de valeur à tel point qu'il réglait ses dépenses avec les bourses qu'il recevait en règlement de ses œuvres sans en vérifier le contenu ni à leur remise ni à leur sortie. Par ce traitement de l'argent au hasard il vécut tout au long de sa vie dans le dénuement et son caractère bourru le tint à l'écart de la vie sociale.

On n'a peu de renseignement sur son foyer en dehors du fait qu'il était marié et père d'une fille qui deviendra célèbre par la suite comme peintre, elle aussi.

Ce n'est qu'à partir de 40 ans que vinrent ses années les plus florissantes, au moment où il devint indépendant.

Un jour, il peignait dans l'enceinte d'un temple à Edo, sur une surface de feuilles de papier accolés sur 240 m2 ce fameux Daruma géant (figurine porte-bonheur d'origine bouddhiste) qu'il reproduisit 17 ans plus tard à Nagoya  lors de la visite de cette ville .

Il excella dans tous les genres et en particulier dans les Surinomo de 1793 à 1824, ces estampes séparées de caractère privé qui correspondaient à un goût raffiné de ponctuation des événements de la vie sociale d'un milieu plus élégant et échappaient ainsi aux réformes de l'ère Kanseï qui instituaient la censure sur les publications. C'est ainsi qu'il l'adopta comme sa manière la plus subtile d'expression picturale des corps et paysages.

C'est en 1804 alors âgé de 44 ans qu'il publia pour la première fois une série d'estampes consacrée aux 53 Relais du Tokaïdo (la longue route qui séparait Edo et Osaka).

Vers 1811 il publiera des suites de caricatures dites Tobae et c'est ce caractère exagéré du trait qui allait donner naissance à la bande dessinée.

En 1831, à 67 ans, il publia les « 36 vues du Mont Fuji », broyées à l'encre bleu de Prusse, dessinées de différents endroits. Il appliquera à cette série les principes esthétiques qui étaient les siens et qu'il exposait en 1812, dans la préface de son ouvrage d'Initiation au Dessin :

« Toutes les formes ont leurs propres dimensions que nous devons respecter ; mais il

ne faut pas oublier que ces choses appartiennent à un univers dont nous ne devons

jamais briser l'harmonie.  Tel est mon art de la peinture . »

Ainsi le Mont Fuji est devenu le phare des abords de Edo aux pieds duquel passe la route Tokaido, ce volcan domine le monde et l'âme du Japon en reliant avec majesté le ciel et la terre .Avec ces 36 Vues Hokusaï imposait une esthétique qu'il développera dans d'autres séries d'estampes et notamment les 100 Vues du Mont Fuji publiées plus tard.

L'art d'Hokusaï c'est une cosmologie sensuelle du monde japonais.

Vers 1833, il publiera Shokoku : 8 estampes «  Circuit des cascades de toutes les provinces », Jamais personne n'avait encore oser une idéalisation aussi poussée du thème de l’eau, l'effet rendu est absolument fabuleux et invite à la méditation.

Pour les découvreurs occidentaux il parut l'artiste peintre le plus fécond de l'école moderne japonaise parce qu’il portait et emportait la tradition à travers les livres, les peintures et estampes.Il a su nous rendre tangible le tourbillon des formes.

Courte anecdote :

C'est aux Pays-Bas que Claude Monet a découvert les estampes d'Hokusaï, chez un marchand qui ne trouvait pas ce papier très solide pour l'emballage ; il ne faut pas oublier que les estampes étaient éditées sur des feuilles séparées.

Je rappelle qu'à l'époque, seule la Holande avait une autorisation privilégiée de commercer avec le Japon par le port de Nagasaki, une fois par an, avant 1858.

En occident , la vogue d'Hokusaï fut liée à celle de l' impressionnisme. En France, les critiques du moment dont Gustave Geffrey défenseur des impressionnistes, accordèrent une grande place à Hokusaï dans leurs revues ( 1883 et1890),

La véritable gloire en Europe serait due à Edmond de Goncourt grâce à sa monographie sur Hokusaï ( Hokusaï – Paris 1896 ) qui l'a fait connaître.

L'auteur : Henri-Alexis BAATSCH né le 17/12/1948

Écrivain et traducteur qui a déjà publié plusieurs biographies , essais et pièces de théâtre. C'est durant son séjour à Tokyo entre 1983 et 1984 qu'il écrivit cet essai sur Maître Hokusaï, Dans ce récit il nous décrit parfaitement la vie sociale et artistique de la fin de la période Edo , au Japon. Ses descriptions très imagées et subtiles de l’œuvre exceptionnelle du Maître Hokusaï sont une aide précieuse à la compréhension de ce personnage hors pair.

Ce très beau livre relié à la japonaise, richement illustré en couleur par une sélection d'estampes et peintures de l'artiste en font un ouvrage indispensable sur l'art pictural japonais paru aux Editions Hazan. 


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