Retour
visuel principal de la chronique
smarx

Il y a 11 mois | 168 vues

Nos cœurs disparus de Celeste Ng

Quelques années auparavant, les Etats-Unis ont connu la pire crise économique de leur histoire. Si les raisons de cette crise restent floues, tout le monde s’accordera finalement pour pointer du doigt la Chine, « ce perpétuel et menaçant péril jaune ». Après trois années de privation, les Américains, exsangues, sont mûrs pour accepter le PACT, un ensemble de lois liberticides, visant à les protéger.

Et ils finissent par s’habituer à toutes ces nouvelles règles imposées pour maintenir l’ordre. Ils s’y plient d’autant plus facilement que peu de temps après l’adoption du PACT, les choses reviennent petit à petit à la normale et que la crise économique reflue.

Bird, petit garçon de douze ans, a grandi sous la protection du PACT. Il vit seul avec son père, sa mère, d’origine asiatique ayant disparu du jour au lendemain lorsqu’il était petit. Son père lui apprend à ne jamais se faire remarquer, à faire profil bas en toutes circonstances.

Un jour, Bird reçoit un mystérieux courrier. En recherchant des souvenirs profondément enfouis en lui, il devine que c’est sa mère qui le lui a envoyé. Il part alors à sa recherche et finit par la retrouver à New-York.

C’est elle qui lui raconte les années de Crise, l’adoption du PACT, les enlèvements d’enfants, les livres qu’on pilonne pour les recycler en papier toilette. Qui lui raconte comment un de ses poèmes « nos cœurs disparus » est devenu le cri de ralliement de celles et ceux qui protestent contre ce régime. Comment elle-même est entrée en rébellion. Pourquoi, dans un élan d’amour maternel, elle est partie pour éviter à Bird d’être retiré à son père.

Notre malaise grandit au fil de la lecture du roman, tant les éléments sont empruntés à différents épisodes de l’histoire et retentissent avec la situation géopolitique actuelle ; tant l’enchainement des événements rappelle les travaux du Camp des Mille, qui démontent les mécanismes conduisant des hommes ordinaires à verser dans l’extrémisme et le racisme.

De nombreuses sociétés à travers le monde sont à un point de bascule, et Nos cœurs disparus apparait alors plutôt comme un roman d’anticipation. Un roman qui nous permet d’entrevoir ce que pourraient rapidement connaitre nos démocraties si nous n’apprenons pas, comme le dit Alain Chouraqui « À refuser de détourner le regard ou de trouver des excuses à la passivité alors que cette cécité volontaire aggrave encore les situations menaçantes, alors que cette passivité laisse avancer le danger. »


Alertes