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Jujudu78

Il y a 6 mois | 100 vues

Les Pistes Invisibles, chef d'oeuvre atypique de Xavier Mussat

“Devenir invisible, ça n’est pas disparaître, c’est se mélanger au reste. C’est participer à l’illusion du silence” annonce le personnage principal en préambule de son histoire. Et c’est ce que Xavier Mussat parvient à représenter, dans un invraisemblable et dense assemblage de vignettes en quadrichromie qui sont autant d’instantanés des observations de son personnage : des insectes, les branches des arbres, un feuillage, des pierres. Des images, mais aussi des sons, ou comment, par la grâce d’un texte épuré jusqu’à l’os, notre démissionnaire parvient à nous faire ressentir le vacarme de la forêt : “Il y avait des martèlement dans chacun des sons. La répétition plus ou moins espacée de motifs uniques. Un langage sonore archaïque, rythmique, un concert cacophonique de frottements, de percussions sans aucune coordination.” Jusqu’à la folie : “... coups de becs d’une corneille dans mon crâne jusqu’à ce qu’il éclate.”  Lutter est impossible, on plonge avec l’homme dans une forêt proche mais aussi lointaine, dangereuse sans être hostile. C’est alors que le personnage se dévoile, nous raconte le cheminement qui a pu conduire à ce point de non-retour : “il y a toujours eu, entre les autres et moi, une sensation de porosité. Ce vertige de leurs mouvements incessants … (...) je n’étais pas fermé aux autres. J’en recevais douloureusement la nature mouvante, un trop-plein émotionnel”. Trop-plein qui nécessite de “garder les autres à distance pour repousser leurs flots tumultueux”. Contradiction de celui qui tient à garder les autres à distance, mais observe son environnement avec une infinie précision comme si seule la nature parvenait à apaiser son âme hyper-empathique. Et l’homme ne fait plus qu’un avec cette nature dont il est désormais une composante revenue à un état quasi primitif avec ses figures tribales voire préhistoriques. Et lorsque, finalement retrouvé, ces vingt-cinq années de mise à l’écart agissent comme une patine sur les visages de ses semblables, autrefois si étranges, deviennent aujourd’hui familier. “Ce que j’avais fui dans les bois s’était finalement déposé sur moi. (...) La distance entre les autres et moi s’était contractée.


 

Ce livre, il faudra que j’y revienne, chaque lecture apporte un nouvel éclairage, une interprétation différente.