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Yasei
Légende

Il y a 10 mois | 139 vues

L’amitié peut elle tout supporter ?

Une vie comme les autres raconte une histoire d’amitié qui a démarré à la fac, entre JB l’artiste talentueux, exalté et autocentré, Malcom l’architecte en devenir, anxieux face à la vie adulte, Willem l’ami sensible et attentionné qui tente de percer en tant qu’acteur et Jude - l’élément central de leur amitié malgré lui - secret et fragile à la carrière prometteuse.

Leur amitié ici est traitée sur plusieurs années, et gravite autour de la souffrance de Jude, une souffrance morale et physique qu’il peine à garder pour lui. Le livre aborde profondément la difficulté qu’est de devoir être un ami totalement impliqué et conscient face au mal-être que peut ressentir l’autre, surtout quand cet autre se ferme et refuse de l’aide - qu’elle soit suggérée ou imposée.

Comment réagir face au silence, au refus, quand bien même on est dans la certitude que notre ami est au plus mal ? À l’inverse, comment arriver à se confier, à faire confiance à l’ami qui se soucie sincèrement de vous et vous tend la main ? Ce sont des questions qui ressortent tout au long de la lecture.

Ce roman est d’une intense tristesse, tant l’horrible passé de Jude (qu’on découvre progressivement) va peser en lui sans jamais lui laisser l’occasion de s’en défaire et d’accepter de faire la paix avec lui-même. Ses choix du silence et de la fuite pour ne pas se montrer vulnérable sont sa prison, une prison dans laquelle il s’épuise. 
Ses amis fidèles et compréhensifs évoluant aussi à ses côtés, pris par leurs aspirations, leurs ambitions, leur vie, comment peuvent-ils se montrer à la hauteur d’un si grand défi qu’est de veiller sur lui ?

Les personnages créés par Hanya Yanagihara sont profondément incarnés, Jude est extrêmement touchant même si son évolution nous frustre souvent, c’est le genre de protagoniste qu’on a envie de sauver et d’aimer malgré tout. J’ai également eu beaucoup d’attachement pour les personnages de Willem et Harold, tiraillés face à cet être si cher pour eux, mais si fermement blindé.

Malgré la longueur de ce roman et la volonté de l’autrice à détailler - avec beauté et ambivalence - les sentiments puissants et difficiles émergeant de cette histoire d’amitié (et d’amour, plus largement), je n’ai pas pu en décrocher tant j’étais happée. Beaucoup de réflexions, d’émotions et d’espoir m’ont submergée, j’ai terminé cette lecture avec un gros pincement au coeur.

Un livre magnifique, selon moi.

(À lire avec une grosse boite de mouchoir à proximité !)

PS : la couverture déstabilisante est une photographie de Peter Hujar, représentant une forme de voyeurisme ambiguë, et qui fait aussi une sorte d’écho contrasté au personnage principal qui jouit de la vie avec souffrance…


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