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Jujudu78

Il y a 5 mois | 99 vues

E.1027, de Agnès Hostache : cheminement intime sur fond art-déco

Ludmila Grecovskaya, alias Greco, décoratrice passionnée d'art et propriétaire d'une agence à New-York, s'installe à Roquebrune-Cap-Martin. Cette femme âgée, hantée par des souvenirs d'enfance, nourrit un objectif quasi obsessionnel : acquérir coûte que coûte la villa E.1027 chef-d'oeuvre art-déco construit entre 1926 et 1929 par Eileen Gray et Jean Badovici et décoré par Le Corbusier. Sa rencontre avec un couple de squatteurs beatnik sera le déclencheur d'un profond bouleversement intime.

Tout est étonnant dans ce roman graphique qui se lit dans tous les sens. Agnès Hostache réussit à la gouache acrylique à nous restituer avec des couleurs vives les lumières de la Côte d' Azur à différentes heures de la journée. Les aplats se soucient peu de la recherche de perspective, sauf lorsqu'il s'agit de représenter la villa E.1027, ce qui confère au dessin une certaine forme de naïveté. De même, la typographie alterne les lettres bâtons pour la narration et l'écriture cursive pour les dialogues. Le texte est d'ailleurs omniprésent, comme s'il s'agissait d'un personnage à part entière : Agnès Hostache coupe des morceaux de texte, les dispose sur une page colorée, et les illustre dans les pages suivantes. Ce va-et-vient incessant entre le texte de Célia Houdart et sa transposition graphique prend le temps de créer une certaine intimité avec Greco dont on suit l'évolution de la femme cultivée mais rigide, marquée par son enfance dans la communauté de Monte Verita, vers une femme plus libérée et ouverte aux sensations qu'elle s'autorise à découvrir. La scène finale, intense et tout en mouvement, qui dévoile un peu plus le personnage et ses failles, est un superbe condensé de toute la recherche graphique de l'auteure.

E.1027, de Agnès Hostache (2023, Le Lézard Noir)