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Il y a 10 mois | 152 vues

La Maréchale Rousse d'Alicia Dujovne Ortiz aux éditions L'atinoir

La Madama, le titre original de la Maréchale Rousse  est une Marie-Antoinette aux tropiques sans le titre de naissance mais au tempérament de feu et rebelle comme les nouvelles Amériques à cette époque charnière du milieu du 19ième siècle.

L'auteure dresse un portrait passionnant d’une figure féminine en avance sur son temps, elle s’appelle Elisa Alicia Lynche. 

Elisa après l’échec forcé de son mariage avec le chirurgien militaire Xavier Quatrefage entend bien désormais mener sa vie comme elle le désire, elle n’a pas encore 20 ans. Mariée mais célibataire, celle que l’on nomme la courtisane fait la connaissance lors d’un bal aux Tuileries du Maréchal et futur président du Paraguay Francisco Solano Lopez. C’est le coup de foudre, la plébéienne invitée au bal des empereurs quitte en 1854 la vieille Europe pour devenir 1ère dame dans un pays inconnu.

Après un premier chapitre déconcertant dans le salon de Victor Hugo au 21 rue de Clichy en 1878, les chapitres suivants sont passionnants. Ils nous ramènent plus de 20 ans en arrière vers les Fleuves de Libre Navigation au Paraguay dont les tensions sur les frontières avec le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay se termineront par le déclenchement de la guerre de la Triple Alliance.

Mais avant cette guerre désastreuse pour le pays, il y a comme une envie de vivre de tout pour Elisa que l’on suit à la première personne pour partager encore plus intensément ses nouvelles expériences dans ce nouveau pays. Elle gagne en maturité au fil de ses années passées sur cette terre inconnue « Entre les fleuves, le fleuve jaune le Parano et le Paraguay plus rouge, grands et nourriciers comme du chocolat, elle découvre la liberté ».

Ce n’est pas une aventure exotique, ce récit est une exploration humaine, sociale et culturelle d’un nouveau pays qu’Elisa adopte très vite. Les éléments historiques de l’autrice sont très précis et détaillés et rendent plus saillants encore le regard neuf de la jeune Elisa sur tout ce qui l’entoure. Les gens, les paysages rigoureux et changeants, la selva, (forêt) el campo (herbes hautes) et le Chaco plus désertique mais aussi l’architecture des maisons, comment vivait le peuple du Paraguay, notamment les Indiens Guaranis encadrés étroitement par les Jésuites.

J’ai trouvé dans toutes ces informations un réel plaisir de découverte et d’ouverture à l’autre. Les femmes semblent avoir à cette époque au Paraguay une plus grande liberté de mouvement et de pensées qu’en Europe.

J’ai aimé apprendre une partie de l’histoire du Paraguay dirigé à cette époque par Franciso Solano Lopez. Dictateur ou Président, j’ai beaucoup appris sur ce personnage politique ambitieux aux idées jugées « paranoïaques » qui voulait à tout prix éloigner son pays des mains prédatrices coloniales.

D’autres figures féminines du Paraguay sont aussi mises en lumière comme Isidora Diaz. Et que dire de toutes les héroïnes, toutes les mères et épouses anonymes « las residentas », déplacées de force pendant la guerre, elles ont œuvré à la reconstruction du pays après le massacre des hommes du Paraguay à la guerre de la Triple Alliance.

J’ai aimé ce récit de très grande envergure pour le portrait fascinant et cosmopolite d’Elisa et la révélation d’un pan du passé d’un pays dont on parle peu en littérature, le Paraguay.

 



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