Retour
visuel principal de la chronique
EglantineLilas
Légende

Il y a 9 mois | 152 vues

Le sapin de Noël -3-

Le soleil essayait en vain, depuis un grand moment, de passer à travers les lattes des persiennes lorsqu’elle ouvrit enfin les yeux, avec difficulté.

Le feu ne s’était pas complètement éteint dans la cheminée, lorsqu’elle s’installa dans le vaste salon, pour y prendre son petit déjeuner. C’est dans cette pièce où tradition avec le fucone [1]  (qui n’était plus utilisé toutefois) et modernisme se côtoient, qu’elle aime prendre petits-déjeuners et repas, rarement dans la cuisine.

Avec ce réveil tardif, la matinée est bien avancée, mais pas suffisamment pour que je téléphone à Lucia, dès à présent. Le soleil a bien effectué son travail sur la neige, cependant j’en suis presque à regretter ce paysage tout blanc !

Le village a repris peu à peu une certaine animation, réduite néanmoins compte tenu des endroits encore enneigés. Savéria imagine les bons feux de cheminée allumés dans chaque maison en voyant la fumée s’échapper par les toits et visualise sans peine, le figatellu qui y sera rôti.

Jusqu’au four commun sur la place du village, d’où s’échappent non seulement des volutes, mais une bonne odeur de pâtisserie qui arrive jusqu’à moi ! Qui donc a eu le courage de l’allumer ? Lucia doit savoir ça et comme il est l’heure que je lui téléphone, ne tardons plus !

 -       Bonjour Lucia, tu n’es pas encore à table ?

-       Ah Savéria, quel plaisir de t’entendre. J’ai entendu dire que tu étais parti vers la rivière hier ? Le chjassu [2]n’était pas gelé ?

-       Encore des bavards, je n’ai pourtant rencontré personne ! Non, j’ai pu m’avancer sans difficulté, le soleil était passé par là avant moi. Devine jusqu’où je suis allée ?

-       Oh, je crains de deviner ! Tu n’es pas allé jusqu’au clos des…

-       Oui, j'y suis allée et je te raconte tout si tu m’invites pour le goûter à manger quelques canistrelli que tu as dû faire cuire dans le four ce matin ! Ça sent bon jusque chez moi !

-       Savéria ! Tu sais bien qu’il y a longtemps que je ne fais plus de pâtisserie. Je te propose d’inviter, Cécile un peu plus jeune que moi et qui a donc cuit ces gâteaux qui sentent si bon. Et toi tu nous raconteras ton échappée...

-       C’est d’accord ! Je suis gagnante avec les canistrelli, mais j’aimerais que vous me parliez aussi, de ce fameux enclos et de ses habitants, j’ai vu là-bas quelque chose de surprenant !

-       Ah ? Là ? Mes oreilles sont en éveil, alors à tout à l’heure, je prépare un chocolat chaud !

-       À tout à l’heure, Lucia.

Lucia, repose le téléphone, songeuse et troublée. Il y a bien longtemps que plus personne ne s’aventure de ce côté du village, d’autant que tous les champs qui y étaient cultivés, sont maintenant à l’abandon.  Elle fait partie des plus âgés, et on n’entend plus guère parler de l’installation des trois femmes, arrivées à l’époque, dont on ne sait d’où, dans la maison de « L’enclos ». Cette maison, et son enclos mitoyen, particulièrement à l’écart, servait d’habitation à Orso, et à son troupeau de chèvres, chacun dans la partie qui lui était destinée.

On ne savait que peu de chose de lui, mais il portait bien son prénom d’ours, ne parlant à personne. On savait qu’il avait quitté la plaine orientale, pour s’installer en montagne et il se murmurait, sans que personne eut de certitude, qu’il s’était retiré là, suite à un chagrin. Ceux qui s’étaient aventurés quelques fois près de chez lui, avaient constaté qu’une source, qu’on disait bien mystérieuse, coulait dans son champ, à un emplacement ensoleillé. C’est à peu près,  un an après son décès, que les nouvelles arrivantes sont venues s’installer à leur tour.

Se plonger dans cet épisode depuis longtemps passé n'enchantait guère Lucia. Une partie des habitants d’alors, n’ayant pas être fiers de leur comportement. Certes, il s’agit maintenant plutôt de leurs enfants, cependant, tout le monde, a plus ou moins, entendu parler de « ces sorcières », courant la campagne pour faire, on ne sait quoi !

Il me semble difficile de résister à Savéria ! Enfin, on verra bien ! Les canistrelli de Cécile seront les bienvenus !

                                                                                                                                                          À suivre… Peut-être ! 😁

[1] En Corse, ce qu'on appelle « fucone » est constitué par une caisse posée sur quatre pieds et remplie de terre battue et dans laquelle on faisait du feu

[2] Sentier


Alertes