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EglantineLilas
Légende

Il y a 5 mois | 94 vues

Si les santons pouvaient parler ...

Plantation était un bien grand mot, puisqu'on ne mettait pas en terre, mais il convenait cependant de prendre tous les soins nécessaires pour semer ce blé dans les coupelles, garnies dans le fond de coton hydrophile, sans oublier de bien le nourrir d’une eau pure, chaque jour renouvelée.

 Toutes les années, à la même époque, c'est-à-dire de fin novembre au 24 décembre, Naïs avait du mal à avoir des nuits paisibles, attendu qu’elle était perturbée par des bruits bizarres en provenance du grenier. Point de rat ni souris dans la maison, la présence de deux chats chasseurs, découragerait quiconque tenterait de s’y aventurer.

– Estefan, réveille-toi… Je te dis que j’entends des bruits…

– Hein…encore…Naïs dort ! et laisse-moi dormir…

– Mais puisque je te dis…

– Et moi, je te dis, dors !

Et c’était ainsi, toutes les nuits. Estefan est bien monté quelques fois dans le grenier mais tout était calme dans la journée et chaque chose à sa place. Il en aurait été tout autrement s’il avait fait la même inspection dans la nuit, mais la nuit Estefan dort ! 

Il se dit, mais il se dit tant de choses ! on dit que les santons enfermés pendant pratiquement onze mois, dans des boites en cartons, à l’approche de la noël éprouvent le besoin de se dégourdir un peu avant que d’affronter la parade annuelle. Donc, ils réunissent leurs forces et entrebâillent leur geôle, afin de pouvoir respirer un peu, avec plus ou moins de discrétion… Quand ils ne se prennent pas à partie entre eux d'où les bruits et craquements qu’entend, Naïs !

Souvent, c’est l’ange Boufaréu, messager de la naissance de Jésus, aux joues bien rebondies à force de souffler dans sa trompette, qui réveille son monde :

– Ma trompette… Où est ma trompette ?

Honorine, brave fille s’il en est,  devenue poissonnière, a épousé Bartoumieu appelé aussi le Pistachié. Un peu fainéant sur les bords, coureur de jupon, ivrogne parfois, elle est souvent obligée de le houspiller pour le remettre dans le droit chemin. Pas facile de le rappeler à l’ordre sans élever un peu la voix…

Le Boumian et la Boumiane ? Alors eux, chantent en toutes occasions leur joie de vivre, ce qui n’est pas du goût de ceux qui souhaitent faire une petite sieste comme Mireille !  Elle a tellement barjaca avec Manon, la bergère, qu’un peu de repos est le bienvenu.

Lou Ravi ! Ah le Ravi, il est si heureux qu’il lève les deux bras au ciel en signe d’émerveillement. Parfois il se laisse même aller à faire des vocalises pour célébrer la naissance de l’enfant Jésus.  

Les bergers, sifflent les chiens, qui eux s’étirent en attendant de courir après les troupeaux de moutons.

L’âne, a de temps en temps du mal à retenir un braiment, et pourtant il fait tout son possible pour ne déranger personne.

Le Bœuf, s’interroge sur ce drôle d’animal  qui va prendre place en face lui dans la crèche.

Le Meunier, même dans son sommeil, reproduit le bruit de l’eau sur les roues de son moulin.

Roustido, lui est toujours en retard, aussi ne s’est-il même pas rendu-compte de l’animation autour de lui !

Monsieur Jourdan et son chapeau, Bartoumieu et sa morue séchée en guise d’offrande,  ( [1]) tout ce petit monde, et bien d’autres personnages encore, qui se préparent pour la nuit de noël, perturbent, sans s’en rendre compte, le calme nocturne de la maison.

 Pas de fantôme, pas de voleur dans le grenier, seulement des santons qui s’éveillent d’un long sommeil et si seulement ce fainéant d’Estefan avait eu le courage d’aller au grenier la nuit, le mystère aurait été levé depuis longtemps !

                                                                                               Ah si seulement les santons pouvaient parler !

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([1] ) Certains personnages cités, ont été empruntés dans les Pastorales d’Yvan Audouard, Maurel ou Audibert. Les anecdotes sont œuvres d’imagination.