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Caroline7
Légende

Il y a 5 mois | 54 vues

Les grévistes

—Nous sommes en grève !

—Nous voulons les mêmes droits pour tous, sinon, nous n’assurerons pas le transport des marchandises !

Ils étaient neufs et sur ces neufs transporteurs, huit venaient de se déclarer en grève au moment le plus crucial de l’année. Heikki ne savait pas quoi leur répondre. Leur demande paraissait légitime, mais aussi impossible. Et comme il avait rejoint l’entreprise familiale peu de temps auparavant, il ne savait pas encore comment gérer cette bande de grincheux. Ils le savaient et en profitaient bien.

—Euh…je vais en parler au boss, dit-il tout penaud.

Il courut jusqu’à l’atelier aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient. S’il s’était retourné, il aurait vu le sourire amusé des grévistes.

Arrivé devant l’imposante porte en bois massif du bureau du boss, Heikki hésita un moment, essayant de mettre en ordre ses idées afin de présenter le problème sous le meilleur angle. Quand il osa finalement frapper à la porte, trois petits coups qu’il n’était pas sûr d’avoir lui-même entendus, une voix imposante lui répondit par un « Entrez » si retentissant qu’il hésita entre franchir le seuil ou partir en courant. Il entra malgré tout.

 

L’homme, assis derrière son bureau débordant de papiers, termina de lire la feuille qu’il tenait entre ses mains avant de porter enfin son attention sur le petit bonhomme qui avait osé le déranger dans son travail. Sa corpulence, aussi imposante et impressionnante que sa voix, le rendait d’autant plus intimidant que lorsqu’il lisait, il fronçait ses épais sourcils blancs pour se concentrer, ce que Heikki interpréta comme un signe de contrariété.

—Euh… Boss, excusez-moi de vous déranger, mais je crois que nous avons un problème avec l’équipe chargée des livraisons, marmonna-t-il en regardant ses souliers.

—Tiens donc, dit-il de sa grosse voix.

—Ils veulent avoir les mêmes droits que Rudolph.

Heikki n’osait toujours pas regarder son patron dans les yeux, il craignait que celui-ci se mette en colère parce qu’il n’avait pas pu gérer lui-même cet incident.

—Mais ils ont déjà les mêmes… Oh, je vois, dit le vieux monsieur en riant. Mon jeune ami, ils se sont bien moqués de toi, on dirait. Ils font le même coup à chaque nouvel employé.

Heikki en oublia de regarder en direction de ses souliers et dévisagea son patron d’un air incrédule.

—Mais ne t’en fais pas, on va leur rendre la pareille.

Le vieux monsieur parti dans un éclat de rire tonitruant, faisant sursauter le jeune employé.

 

Deux jours plus tard, tout était prêt pour la livraison. Heikki s’approcha des huit anciens grévistes.

—Je suis ravi de constater que vos revendications ont bien été prises en compte, leur dit-il d’un air amusé.

—Oh, ça va, lui répondit le plus proche.

Les huit rennes se trouvaient à présent affublés du même nez rouge lumineux que Rudolph. Ils continuèrent à râler jusqu’à l’arrivée du Père Noël, dont la vue de sa petite troupe de grincheux enguirlandés le fit partir dans un éclat de rire qui fit s’envoler tous les oiseaux aux alentours.

Et c’est ainsi qu’ils s’envolèrent en ce 24 décembre, plus lumineux que jamais, pour la tournée de distribution des cadeaux à travers le monde. Le petit lutin les regarda décoller avec de grands yeux remplis d’admiration et de joie. Décidément, il aimait son boulot et n’en changerait pour rien au monde!