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EglantineLilas
Légende

Il y a 4 mois | 92 vues

Le noël de Naïs

N’avait-elle pas toujours été là pour soigner les bobos des enfants, faire le repas des maitres, coudre, repasser, s’occuper des animaux, bref, elle était l’âme de cette demeure. Noël approchait à grands pas, la maîtresse de maison s’était chargée des cadeaux des petits et grands, mais pour ce qui était des préparatifs de la maison et du repas, cela revenait à Naïs.

 Il ne s’agissait pas d’oublier quelque chose, car Noël en Provence ne se fête pas comme ailleurs, du moins c’est la conviction des provençaux qui vont jusqu’à prétendre qu’il n’y a aucune raison pour que Jésus ne soit pas né chez eux. Cette terre est profondément attachée à ses croyances et ses superstitions ancestrales et rien ne doit être laissé au hasard. L’une des salles du rez-de-chaussée, de vastes volumes, réservée aux grandes occasions, avait fait l’objet pendant plus d’une semaine de tous les soins des servantes de la maison. Naïs aime beaucoup cette pièce... sur ses murs blancs se détachent les meubles en noyer, fruits d’un héritage, raffinés et robustes. Leurs lignes ne sont que courbes et galbes faits par des artisans du bois, parfois des compagnons, ornés d’incrustations de rameaux d’oliviers ou de laurier, et d’une coquille sans doute inspirée de Saint-Jacques de Compostelle. 

Les trois nappes blanches avaient été lavées au lavoir par un jour de grand soleil pour pouvoir les étendre sur l’herbe afin que chaque rayon de l’astre révèle leur pureté.   Naïs n’aime pas cette machine qui malgré les poudres et lessives étaient incapables de travailler aussi bien que ses mains. En prévision du gros souper, repas de la veille de Noël, les trois nappes installées sur la grande table… Un dernier coup de fer pour enlever les derniers plis, sont prêtes à recevoir les mets. Au moment de partir à la messe de minuit, la table restera mise avec ses desserts en prenant soin, de relever les quatre coins des nappes afin d’empêcher les mauvais esprits d’y grimper et de jeter des sorts aux victuailles. Lorsque la pièce sera vide, les âmes des défunts viendront à leur tour partager les desserts… Et ce n’est pas Naïs qui fera offense aux superstitions.

  Alegre, Diou nous alegre, cachofué ven, tout ben ven, Diou nous fague la graci di veïre l’an que ven. Se sian pas mai que siguen pas men ". (Soyons joyeux, Dieu nous garde joyeux. Cachofué vient, tout bien vient, Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient. Si nous ne sommes pas plus, que ne soyons pas moins).