Retour
visuel principal de la chronique
AMB37
Légende

Il y a 9 mois | 153 vues

LA VOYAGEUSE DE NUIT (Françoise Chandernagor)

 Chacun sait combien le décès d’un parent bouleverse une famille. Au-delà du chagrin, la mort rebat les cartes des souvenirs, partages, rivalité, amour, inimitiés. Les liens affectifs se resserrent où la pomme de la discorde fait éclater les rancœurs tout autant que certains secrets peuvent voir le jour. Dans ce roman, l’agonie maternelle sert de fil rouge au processus de réminiscence. Il est parfois ténu, mais si beau à vouloir encore rendre grâce à la vie.

Les quatre filles Sarov accompagnent leur mère vers un non-retour, en soins palliatifs. Au chevet d’Olga, les voilà renvoyées à leur enfance. Elles découvrent qu’elles sont  confrontées à cette vérité : « dans une famille, personne n’a eu la même mère ». La belle écriture de Françoise Chandernagor aborde avec brio, ce sujet délicat. Tout en délicatesse, le récit de vie s’implante dans la campagne Creusoise que l’autrice connaît bien puisqu’elle y vit une bonne partie de l’année. Mes attaches personnelles pour ce joli coin du Limousin ont sûrement participé au plaisir que j’ai eu à lire ce livre, mais pas que ! Les points de vue sont riches, les sentiments et regrets évoqués avec lucidité jusqu’aux non-dits frôlés de si près qu’ils prennent corps dans notre esprit.  J’ai été très touchée par la justesse du ton dans ces heures où l’imminence du départ d’un être cher  se précise. Jusqu’où l’accompagne-t-on? Y a-t-il abandon, solitude ou respect d’une intimité face à une décision ? La fin m’a cependant déconcertée : comment interpréter cette « barque tournoyant dans les eaux » ? La chute ? Mortelle ? Voulue ? Accidentelle ? La métaphore de chagrins noyés dans l’absolu ? Quelques extraits valent d’être relus et médités :

« …Quand je mourrai, je veux qu’on me dise qu’il n’y a pas de mur ; juste un mirage-le reflet d’un nuage, un rideau léger. Qu’on m’assure que je ne vais pas me briser, corps et âme contre ce bloc de béton, que je franchirai la muraille et ne sentirai en passant qu’une caresse froide sur le visage. Jurez moi qu’il y a de l’autre côté, un autre côté. Et placez mon lit à la fenêtre. »

Je garde depuis, dans mon cœur ce petit îlot de pensées puisées dans la lecture de ce roman dont je voulais partager la richesse des questions existentielles.


Alertes