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xiane
Champion

Il y a 4 mois | 113 vues

Boule Toujours

Elle s’appelle Laure et lui Laurent. Elle a vingt-sept ans et lui cinq ans environ. C’est son petit garçon et elle l’élève seule, le père est mort, ou bien il est parti ; de toute façon, il n’est plus là et ce depuis plusieurs années … mais elle aime son fils pour deux. Laurent est aussi brun de cheveux et de peau que sa maman est blonde, petite et menue. Il doit tenir de son papa. Ils vivent dans une maison isolée en dehors du village. Leur logis est entouré d’un petit jardin rempli de fleurs au printemps, en été et à l’automne. Décembre s’achève et la neige a tout recouvert. 

Blanc, blanc … tout est si blanc … 

Laurent n’a que cinq ans et il a déjà une incroyable collection de boules de neige soigneusement rangées dans sa chambre sur une étagère au-dessus de son lit. Ça prend une sacrée place. Il y en a quelques-unes qu’il a reçues en cadeau pour Noël ou pour ses anniversaires ; toutes les autres lui viennent de son père, de sa mère et aussi de ses grands-parents. Certaines de ces jolies boules de neige ont même été fabriquées par son grand-père maternel, qu’on disait être habile de ses mains, voire un peu magicien.

Le soir, avant de dormir, debout sur son lit, il met plusieurs minutes à choisir une boule de neige au milieu des autres et sa maman lui raconte une histoire qui les projette tous les deux à l’intérieur de la boule. Cela fait partie de leur rituel du soir.

Laurent est un enfant rêveur. Laure était comme lui quand elle avait son âge. 

Il était une fois un gentil Papa et une gentille Maman qui avaient un petit garçon qu’ils adoraient tous les deux. La maison où ils vivaient était isolée dans la campagne recouverte de neige et les routes étaient verglacées. Comme Noël approchait à grands pas, le gentil Papa se rendit à la ville pour déposer dans la boîte-aux-lettres du bureau de poste le courrier que son petit garçon avait écrit au Père-Noël, et aussi pour ramener un joli sapin pour décorer le salon.

Malgré le fait que le gentil Papa soit toujours très prudent sur les routes, on n’a jamais su ce qui s’était passé ; sa voiture s’est retournée et s’est retrouvée presque enterrée dans une congère et ça n’est que le lendemain matin qu’il a été retrouvé et qu’il a pu être secouru.

Depuis ce jour, la gentille Maman s’occupe toute seule de son petit garçon et elle l’aime fort, très très fort.

- je n’aime pas cette histoire, maman, ça me fait trop penser à mon papa qui n’est plus là et qui me manque !

- je sais mon chéri, à moi aussi il me manque ; c’est presque Noël et je pense encore plus fort à lui pendant cette période. Tu sais quoi ? en allant faire les courses demain matin pour notre petit repas de fête, on fera un détour par la jardinerie et on prendra quand même le temps d’aller choisir notre sapin ; nous le décorerons tous les deux ; tu voudras bien m’aider à le décorer ?

- oh oui maman, je suis grand maintenant et je ferai attention avec les boules de Noël, je sais qu’elles sont très fragiles.

- allez mon chéri, un gros bisou et j’éteins la lumière, range-nous vite cette boule de neige.

- attends, je vais d’abord la secouer très fort!

Et tout devint blanc à l’intérieur de la boule de neige …

Je suis dans une grande chambre toute blanche, allongé sur un lit de fer peint en blanc, les couvertures et les draps qui me recouvrent sont blancs et les hommes et les femmes qui passent dans ma chambre sont habillés tout de blanc également.

Je n’aime pas cette absence de couleurs, j’ai l’impression d’être enfoui dans du coton et de m’y perdre, et puis ça me rappelle quelque chose de désagréable, même si je ne sais pas trop quoi, sauf que c’est désagréable et que j’ai froid !

Les hommes et les femmes en blanc me touchent, me palpent, me parlent, je les entends comme s’ils me parlaient de très loin, mais je suis enfoui tellement profondément dans tout ce blanc que je ne distingue pas ce qu’ils me disent et que de toute façon je ne serais pas capable de leur répondre…

Laurent et sa maman sont au milieu du salon. Il n’y a pas longtemps qu’ils sont rentrés de leurs courses et leur visage est encore tout rougi par le contraste du froid du dehors avec la chaleur de la maison. Un joli sapin gris vert argenté est planté sur une sorte de croix recouverte d’un grand torchon à carreaux rouge et blanc. Le feu crépite dans la cheminée. 

J’ai parfois l’impression de me noyer, à d’autres moments je crois que je flotte au milieu de tout ce blanc. Je ne sens rien. Je n’entends pas distinctement les sons qui m’environnent. J’ai froid malgré toutes ces épaisses couvertures si blanches qui me recouvrent …

Laurent est assis par terre sur le tapis du salon, la boîte où sont rangées les décorations de Noël est coincée entre ses petites jambes et son regard est perdu dans l’une de ces merveilleuses boules de Noël multicolores. Il se met à la secouer très fort, colle son œil tout contre la boule et éclate subitement d’un rire clair et cristallin.

- chéri, arrête de secouer cette boule, ça n’est pas une boule de neige et tu vas finir par la casser ! en plus, tu risques de te blesser si tu la casses ! tu ferais mieux de me la donner pour que je l’accroche !

Laurent redescendit sur terre et aperçut sa maman accroupie devant lui en train de lui sourire tendrement.

- Maman c’est pas vrai, c’est aussi une boule de neige et c’est la maison du Père-Noël qui est dedans, même que par la petite fenêtre j’ai aperçu le Père-Noël à l’intérieur de sa maison, et il m’a fait coucou de la main … !

- c’est bizarre, je ne me souviens pas qu’il y ait eu de boule de Noël comme ça dans les décorations, fais-moi voir !

Il y avait effectivement une petite maison au toit tout rouge à l’intérieur de la boule avec de la fumée qui semblait sortir de la cheminée, un gros personnage habillé tout de rouge assis dans un fauteuil-à-bascule devant l’âtre à l’intérieur de la maison et des étoiles scintillantes qui virevoltaient tout autour.

- ça alors ! j’ai l’impression que je ne l’avais jamais vue auparavant ! elle est vraiment magnifique ! elle me fait un peu penser aux objets que ton grand-père aimait fabriquer ! tu l’accroches tout seul dans le sapin ? lui dit-elle en lui redonnant la boule de Noël.

Laurent bondit sur ses pieds et accrocha la jolie boule à une branche à portée de ses petites mains.

- merci Laurent, tu m’as bien aidée ; cette année encore notre sapin est magnifique ! je vais aller mettre la table, le rôti est presque prêt et on ne va pas tarder à pouvoir déjeuner.

Bizarrement, pour des raisons qu’elle n’arrivait pas à s’expliquer, elle se sentit légère et soulagée et, comme elle ne s’était pas senti ainsi depuis longtemps, profondément heureuse.

Je n’ai plus si froid, j’ai l’impression qu’il y a moins de blanc tout autour de moi … et puis j’entends comme des clochettes qui tintinnabulent au loin …

Dans le salon de la paisible petite maison où Laure et son petit garçon se tenaient debout, main dans la main, en train d’admirer leur beau sapin de Noël alors que de bonnes odeurs provenant de la cuisine commençaient à parvenir jusqu’à eux, le téléphone se mit tout à coup à sonner et ils sursautèrent …

- Merci, merci, un grand merci de m’avoir appelée aussitôt, nous venons tout de suite !

Laure était blanche comme un linge et, sans qu’elle s’en rende compte, les larmes ruisselaient le long de ses joues.

- viens ici que je t’embrasse mon chéri ! Joyeux Noël ! ton papa est enfin revenu.

- je le savais maman, c’était obligé !

- qu’est-ce que tu me racontes mon grand ?

- c’est à cause de mon vœu, maman !

- ton vœu ? quel vœu ?

- quand j’ai vu le Père-Noël me faire signe de la main, je venais de faire un vœu pour que mon papa soit avec nous à nouveau.

- oui, bon, peut-être, va vite t’habiller, on va aller voir ton papa et on le ramènera avec nous, si c’est possible.

Le petit garçon courut dans sa chambre chercher son gros blouson.

La maman s’approcha alors du sapin pour voir de plus près cette drôle de boule de Noël et eut beau la chercher partout, elle n’arriva pas à la retrouver!

- on y va maman ?

- oui, on y va mon bonhomme, dis-moi juste avant qu’on ne parte ce que tu as fait de la boule de Noël que tu as accroché dans le sapin tout à l’heure ?

- ben je l’ai accrochée comme tu m’avais dit de le faire, pourquoi ?

- parce que je ne la vois plus, enfin ça n’est pas grave, viens m’embrasser très fort !

- joyeux Noël maman,

- oui, joyeux Noël à toi aussi mon chéri.

Mais la boule de Noël avait bel et bien disparu et jusqu’à ce jour, on ne l’a jamais retrouvée.