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xiane
Champion

Il y a 4 mois | 152 vues

mon dernier noël

Je suis mort un 24 décembre, à minuit, à l’heure où les enfants favorisés du monde attendent le passage du père Noël en se demandant si tous les cadeaux qu’ils ont commandés seront bien dans leurs souliers, ou au pied du sapin, quand ils ouvriront les yeux le lendemain matin.

J’étais tout seul comme tous les autres soirs depuis tant et tant de temps. Je n’avais pas prévu de vieillir seul quand j’ai rencontré et épousé Madeleine. Ce qu’elle était belle ma femme, et comme on s’adorait. On s’aimait tellement fort qu’un beau petit bonhomme nous était arrivé, notre petit Paul. Et alors qu’on s’aimait déjà comme des dingues, nous nous sommes aimés encore plus ! jusqu’à ce maudit jour ! ce jour où petit Paul est mort. Madeleine n’a pas pu le supporter ; moi non plus d’ailleurs ; alors je suis resté tout seul ; et maintenant je suis vieux, malade, et seul.

Petit Paul n’a jamais connu de Noël, il est mort avant d’avoir un an ! depuis, je n’ai plus rien fêté ; alors, passer cette soirée-là seul ne me pèse pas plus que les autres soirs… ou plutôt ce sont tous ces autres soirs passés en solitaire qui me pèsent.

Je suis là, allongé dans mon grand lit si froid et je m’y sens mal ! je pourrais dormir, mais j’imagine les gens qui sont en train de festoyer en famille et je revis en pensée tous mes Noëls heureux…

Je devais avoir 3 ans, maman était toute petite, mon père si grand et le sapin tellement haut qu’il en touchait presque le plafond ; on n’en voyait même plus le pied tellement il y avait de cadeaux. Et il y avait un joli tricycle rouge : mon premier presque-vélo.

Je devais avoir 5 ans, ma mère était toujours aussi petite et mon père aussi grand. Le tas de livres tout empaquetés de jolis papiers de couleur était presque aussi haut que moi. C’est cette année-là que j’ai découvert le plaisir de lire !

Je devais avoir 10 ans, ma mère me semblait encore petite, mais mon père était moins grand, ou c’était moi qui n’étais plus si petit… Le sapin était toujours gigantesque et s’il y avait moins de cadeaux au pied de l’arbre, ils étaient plus gros.

Je devais avoir 15 ans, ma mère était toujours toute petite mais cette année-là elle était beaucoup plus ronde, mon père me semblait de moins en moins grand ; il n’y avait qu’un seul cadeau au pied de l’arbre, un superbe vélo de course ! ce que j’ai pu en faire comme balades avec ! quels beaux souvenirs…

L’année suivante, ma mère était redevenue toute menue, mon père était à quatre pattes pour se mettre à la hauteur de ma nouvelle petite sœur. Le pied du sapin était redevenu invisible tellement il y avait de cadeaux…

Et puis les années ont passées, j’ai grandi, ma petite sœur aussi, j’ai quitté la maison ; l’année suivante pour Noël, Madeleine était avec moi, jusqu’au jour où…

De penser à tous ces Noëls anciens m’a rendu heureux, mais j’ai mal dans la poitrine, je devrais essayer de dormir tout de même !… il est bientôt minuit !

En fait je souffre davantage de la solitude depuis que je suis en retraite ! quand je travaillais, je voyais du monde, et le soir j’étais tellement fatigué de ma journée que j’étais content de me retrouver devant la télévision.

Maintenant, personne ne vient me voir, sauf les éboueurs au moment des étrennes et encore, je ne réponds pas toujours à leur coup de sonnette !

Mais qu’est-ce que j’ai à la poitrine qui me serre comme ça… pfff ! ça doit être le stress ! je vais fermer les yeux, peut-être que le sommeil viendra.

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Effectivement, je me suis endormi. Je me suis même endormi tellement profondément que je suis mort d’un arrêt du cœur cette nuit-là ! voilà pourquoi j’avais tellement mal dans la poitrine ! si j’avais été plus vigilant j’aurais appelé le Samu et j’aurais pu m’en sortir… quelle chance j’ai eu de ne pas m’en inquiéter plus que ça !

Vous vous demandez pourquoi je dis avoir eu de la chance ? et bien parce que quand mon ombre s’est détachée de mon corps après s’être un peu secouée pour se réveiller, elle a trouvé dans un de mes chaussons fourrés un message du père Noël « à ton tour de t’y coller mon vieux, pour ce qui me concerne c’est terminé et je vais enfin pouvoir dormir tout mon saoul ! ».

En fait, pour dire vrai, mon dernier Noël fût le premier de toute une longue série où j’ai apporté les cadeaux aux petits enfants sages du monde entier. J’ai pu rire aux éclats en lisant leur lettre au père Noël. J’ai rêvé en même temps qu’eux. J’ai pu assister, de loin, à leur joie en découvrant leurs cadeaux. Je ne suis plus jamais seul maintenant, et de penser aux autres me permet d’éviter de trop penser à moi… !

Joyeux noël à toutes et à tous et soyez heureux !

… et n’oubliez pas, quand on pense aux autres, on pense moins à soi… !