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Il y a 8 mois | 377 vues

LES INSOLENTS (Ann Scott)

Ce roman a été gentiment déposé pour moi au pied du sapin. Dire que je ne l’aurais pas choisi dans le rayon du libraire serait mentir tant la quatrième de couverture promet une belle écriture et un challenge intéressant. Comment résister à : "À la sortie de la petite gare, en sentant la moiteur dans l’air et en voyant les palmiers sur le parking, elle a eu l’impression de débarquer dans un autre coin que le Finistère, quelque chose d’étrangement chaud, humide, enveloppant, et elle a su qu’elle allait être bien ici." ? Comment ne pas adhérer à la décision d’Alex, compositrice de musique de films, de quitter Paris et son effervescence mondaine et superficielle pour un tout petit village du Finistère non loin de Quimper ? Et puis, ce Prix Renaudot 2023 n’est-il pas un gage de bonne littérature ?

Forte de ces bonnes prédispositions, j’ai ouvert ce roman avec appétit.

Dès la page 9, j’ai calé sur le titre (NYC ?), après lecture de ce qui semble une introduction, mais qui n’apporte rien à l’histoire, NYC est devenu New York City. Au cours des trois parties qui suivent , les titres des chapitres (Interlude ; Icarus  LS1,  LS2, LS3) mettant en scène ce que j’appellerais un personnage satellite, greffé dans le récit sans que l’on sache trop pourquoi , ont piqué mon intérêt : je suis très sensible à la construction des romans, c’est ce qui m’a fait persévérer, car j’aime comprendre ce qui suscite la sélection des Grands Prix honorifiques.

Les 4  personnages principaux Alex, Margot et Jacques, évoluent sur fond de drogues, d’homosexualité et de bisexualité. L’amitié qui unit les cœurs et les âmes outrepasse même la fusion des corps, le sexe joue les trouble-fête et les questions posées au sein du trio ne manquent pas d’intérêt. Les partenaires sont nombreux et la retraite spartiate d’Alex dans ce village Breton dont on ne sait pas le nom dévoile ces liaisons passées et présentes ainsi que leurs parcours cabossés à l’excès.[ Margot, qui, à dix ans, ligote sa sœur avec sa jambe cassée sur un couvercle de poubelle pour la traîner jusqu’à la route, arrêter une voiture pour se faire conduire aux urgences. Margot, à douze ans,   se jetant sur sa mère qui s’étouffe avec un toast, la couche à plat ventre et lui saute à pieds joints sur le dos pour quelle crache le morceau de pain. Margot à dix-sept ans, qui a enterré…] Pour Jacques et Mathieu, c’est très compliqué aussi et tous ces détails à vouloir charger dramatiquement les personnages mettent en péril le vrai sujet (un voyage intérieur, une quête existentielle, la solitude) .

Le pouvoir de la mer, ses plages, son horizon aurait pu trouver une plus grande place dans ce roman pour lui offrir une trame fédératrice de résilience avec la vie. Or ce n’est pas le cas et les plages  sont numérotées , même pas nommées . La fin se déroule sur fond de confinement avec le Covid, ce qui dévoie complètement le sujet : la recherche volontaire et personnelle  de solitude se mue en partage collectif d’isolement imposé.  Le chapitre sur « La crise de la Culture » parachuté dans l’histoire est intéressant en soi, on devine les interrogations de l’autrice, qui demeurent cependant plaquées sur le personnage d’Alex.

Mon impression d’ensemble est très mitigée. J’ai l’impression d’avoir lu une histoire éclatée, instable comme les personnages qui y vivent et ce, jusque dans l’écriture au style anarchique. Comme des sautes d’humeur, les phrases s’appauvrissent, puis rebondissent en incarnant les personnages . Est-ce cela qui a fait distinguer ce livre , si l'on en croit :[Son écriture précise et ses personnages d'une étonnante acuité nous entraînent dans une subtile réflexion sur nos rêves déçus, la solitude et l'absurdité de notre société contemporaine]. J'ai tout de même un doute quant à cette présentation. Les introspections sont multiples et tous azimuts. 

Si Jacques m’a touchée par ses réflexions dans le recul qu’il opère sur l’avenir de ses relations homosexuelles, Margot me semble totalement hors-sol, les différents liens ne parviennent pas à fédérer une histoire. D’ailleurs la fin m’a semblé  bâclée, avec l’évocation au futur du devenir des différents protagonistes.

Pour résumer , je rejoins la critique : c’est bien « un roman très intime. », je n’y ai tout simplement pas trouvé ma place de lectrice. Quid de ce Prix Renaudot ?


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