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EglantineLilas
Légende

Il y a 3 mois | 91 vues

Sur le fleuve de la vie -1 -

Bien des années plus tard, la situation de Paul ayant évoluée favorablement, et de plus disposant d'un petit héritage de son arrière-grand-père maternel, malgré une situation professionnelle non encore stabilisée, une banque leur fit confiance en octroyant un prêt complémentaire.  C’est dans un pavillon, dans une banlieue cossue de la ville, qu’ils s’installèrent avec leur nichée.

Dans un premier temps, ils aménagèrent tous deux ce premier nid avec amour. Les premières années de vie commune furent heureuses, la soif de l’un de l’autre, perdura.

– Chaque minute passée loin l’un de l’autre est une éternité

– Hum... amour, toujours jamais ne dure !

– C’est ça, invente des dictons…

– Ce n’est qu’un constat…

– L’amour-passion a duré quelques années cependant, pas aussi longtemps que je le souhaitais !

Martha assura une partie du quotidien matériel, pendant que Paul continuait à parfaire sa formation. Ils avaient précipité le mariage contre l’avis de leur famille réciproque, persuadés de pouvoir gérer cette époque transitoire. Par bonheur, classé dans les meilleurs de sa promotion dès son diplôme en poche, il trouva rapidement un autre emploi dans un cabinet renommé et se posa alors la question du devenir professionnel de Martha.

Nous avons pu pendant quelque temps profiter des découvertes et des sages plaisirs que pouvait nous offrir une grande ville : bibliothèque, musée, opéra, cinéma et même des restaurants ouverts tard le soir après nos découvertes nocturnes de la ville. Ah ces promenades dans les rues, la nuit, alors qu’elles s’animent d’un monde parfois mystérieux et étrange ! Cette faune particulière, qu’on ne peut rencontrer que dans des grandes villes et qui met un air de fête à chaque coin de rue ! Nous ne connaissions point cette effervescence nocturne et nous la regardions, émerveillés, comme les enfants, les vitrines de noël !

Leur souhait de fonder une famille sans attendre, ne laissa guère le choix à Martha pour envisager l’évolution de sa vie professionnelle, du moins c’est ce à quoi ils conclurent tous les deux après une analyse rigoureuse de la situation matérielle. Dans le cas où ils prendraient l’option d’engager une nounou, la dépense s’avèrerait par trop onéreuse.

–  Tous les deux… ? Ou est-ce la conclusion que Paul m’amena à accepter, je ne sais plus !

Dès lors, Martha accepta sans discussion le fait de mettre ses projets professionnels en suspens.  

–  On a toujours le choix !

– Ce n’est pas ce que j’ai ressenti à l’époque et les arguments de Paul…

– Paul, encore Paul ! Te rends-tu compte à quel point tu es agaçante ? À peine mariée, tu n’étais plus capable de réfléchir par toi-même ?

– Non mais c’est ce que je pensais aussi, quoi de mieux pour des enfants que d’être élevés par leur mère !

– Balivernes ! Tu as baissé les bras un peu trop facilement !

– Sans doute… Je ne m’en suis rendu compte que trop tard.

Cette décision a été en partie douloureuse, bien qu’elle ne fût franchement jamais reconnue à haute voix par Martha.

Ce sacrifice volontaire laissa cependant une trace dans ma vie et créa un déséquilibre dont je ne pris conscience que bien des années plus tard… Trop tard !

Martha devint donc mère au foyer exclusivement et ne se consacra plus qu’au matriarcat avec les trois enfants qui se succédèrent. Couches, biberons, entretien du nid familial, elle n’en n’oublia pas cependant l’amour qu’elle portait à ce mari qu’elle idolâtrait trop probablement.

– Quelle idée d’idéaliser ainsi quelqu’un, personne ne mérite ça !

– Son assurance apparente m’a subjuguée dès nos premières rencontres… Que veux-tu ! C'était mon premier amour ou presque !

– Premier amour ou pas, tu devrais savoir !

– Toi la Voix, tu me casses les pieds, premier amour ! Je n’avais connu que quelques petits flirts très courts et sans importance, j’avais encore tout à découvrir !

– Ceci expliquant cela !

– Et tu veux dire quoi par là ?

– Vous étiez encore bien jeunes tous les deux pour une vie de couple sans doute.

Lui, s’épanouissait dans une nouvelle vie, de nouvelles rencontres, une ouverture vers un monde extérieur. Elle commença à s’étioler, à se refermer sur les petits tracas quotidiens, comme beaucoup de femmes sûrement, réduites à n’être plus  que des femmes au foyer -, après avoir mené une vie active au temps de leur célibat.

– Tu ne devais pas être rigolote tous les jours !

– Non pas, c'est certain, je le reconnais volontiers, et peut-être pire encore, mais est-ce que j’avais le choix ?

– Une fois encore, on a toujours le choix, avoue que tu étais devenue trop timorée, peur de tout et de rien !

– Quand tu te renfermes sur toi-même, que tu vis en vase clos, ton jugement est faussé…

–   N’empêche que…

– N’empêche que, n’empêche qu’on ne réécrit pas l’histoire ! 

– Pour sûr, je confirme !

De la jeune fille fière et indépendante, comment comprendre que Martha devint au fil de ces années cette femme dévouée à ce mari comme à un dieu, qu’elle le mit dès le départ de leur relation sur un piédestal ?

– Je croyais que nous étions des âmes sœurs, idiote !

–  Et ça existe ça des âmes sœurs ?

– Sans doute oui, pour un temps seulement !

– Alors comment t’étonner que Paul soit allé chercher ailleurs ?

– Je n’en suis pas forcément étonnée, j’en ai été tout simplement très malheureuse !

– Si malheureuse que tu en as perdu tout bon sens !

– On peut dire ça comme ça !

– Et tu peux expliquer pourquoi tu l’idéalisas autant ?

– Non, je ne peux pas. Nul, non plus dans notre entourage, ne put jamais l’expliquer.

Paul , s’imposa dès le début de leur vie commune comme le maître à penser et à faire, régnant en patriarche. Elle le laissa faire d’autant plus facilement qu’elle se sentait très dépendante financièrement, ce de façon stupide en l’occurrence. N’était-il pas marié pour le meilleur et pour le pire et ne devait-il pas subvenir aux besoins de sa famille ?

– Parfois, tu avais quand même de drôles d’idées !

– Avec le recul, j’avoue que j’avais des réactions à l’époque, qu’on peut qualifier de stupides !

– À l’époque seulement ?

– Si tu veux me faire dire que plus tard aussi, oui, je l’avoue…

Prise dans une toile d’araignée dont elle ne rendait même pas compte, elle répondait invariablement lorsqu’on l’interrogeait sur un fait :

—      Mais que va dire Paul ?

Elle finit par exaspérer sa famille qui ne reconnaissait plus la jeune femme qu’elle avait été, énerva ses amis qui finirent par s’en gausser entre eux. Paul, élevé par une mère froide et sèche, persuadée qu’elle détenait la vérité en toutes circonstances, pris exemple sur elle. Il était convaincu qu’il ne pouvait avoir tort, donc forcément, c'était Martha qui était responsable des crises qui survenaient dans leur couple. Sans doute une revanche sur sa jeunesse pendant laquelle il avait dû se taire, à moins que ce ne fût, malgré lui, le résultat d’une certaine hérédité !

– Belle-maman aimait tout régenter ! On disait d’elle qu’elle était - une maîtresse-femme -, une casse-pieds à l’occasion, toujours sûre d’elle et de son fait !

– Tant que ça ?

– Non, en fait, j’exagère un peu, on va dire avec humour, juste un peu ! Elle était cependant un peu trop intrusive avec la jeune femme que j’étais.

– Pourquoi te laisser faire alors ?

– Ma famille était loin et j’avais besoin d’affection

– D’affection ? Curieux ! Je croyais qu’elle était du style plutôt froid ?

– Oui, mais pas que, elle était présente malgré tout… Ce n’est pas si évident, de classer quelqu’un dans telle ou telle catégorie, nous ne sommes pas si simples les uns et les autres ! Et puis n’oublions pas que j’étais en adoration devant mon mari, donc forcément, je ne pouvais que supporter sa mère, et penser qu’elle aussi avait raison. Oui, je sais, tu as raison, j’étais une véritable nouille, inutile d’enfoncer le clou !

Pas de crise à proprement parler déclarée à ce moment-là dans le couple, cependant après le grand-amour vient la lassitude de trop d’habitudes. Paul, architecte reconnu, très occupé par sa vie professionnelle, ressentit le besoin en contrepartie d’étincelles dans sa vie et de renouveau.