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EglantineLilas
Légende

Il y a 3 mois | 142 vues

EN PERSPECTIVE LA RETRAITE

À l’approche de la soixantaine, qui n’a pas rêvé de ne plus avoir les contraintes du travail ? Cela n’en reste pas moins douloureux, le moment venu, de changer de mode de vie. Changement de rythme, de statut social, perte de repères, de reconnaissance souvent, et une nouvelle forme de cohabitation à deux. Ce n’est pas rien que de se retrouver toute la journée en tête-à-tête !

Pour eux, cette installation dans le temps libre, se fit en deux étapes. Paul, qui avait trois ans de plus que Martha, arrêta le premier son activité et - s’empara - de leur chez-soi. Il avait toutefois eu la sagesse d’anticiper depuis quelques années, cette nouvelle étape dans leur vie, en prévoyant des activités pour le jeune retraité qu’il serait.

– Pas question de rester inactif, mais au contraire me consacrer à des passions mises de côté, et surtout pas question d’avoir un agenda vide après l’activité prenante que j’ai exercé !

De temps à autre, Paul, retrouve Jean-Jacques pour un moment de bavardage à bâtons rompus, comme au temps de leur jeunesse. Un confident, presque un frère, et à l’occasion un alibi, du temps où la situation devenait tendue avec Martha. Son ami sourit.

– Bonnes résolutions ! Dès que la décision de s’arrêter de travailler est prise, sans vouloir te décourager, au fil du temps nos agendas évoluent et se vident ! Et…tes maitresses… Des contacts encore ?

– Ce n’est plus d’actualité, un peu de lassitude sans doute aussi, c’était, entre autres certainement, une compensation au stress du travail, qui n’a plus de raison d’être maintenant !

Jean-Jacques, qui ne rate jamais une occasion de taquiner son ami, ne peut laisser passer cette occasion :

– Euh… La lassitude a bon dos, tu ne crois pas ? Des possibilités en baisse aussi sans doute, à toi-même tu peux au moins le reconnaitre ?

– Oui, certes, oui, inutile d’insister, physiques et matérielles, si tu veux que je te dise tout, c’est ainsi et puis c’est tout !

– L’idée de consulter non ?

–  Ah ça jamais !

–  Je pense que tu as tort ! Sinon, toujours des envies d’un ailleurs ?

– Comment te dire… Des études prenantes, une jeunesse ou je ne me suis guère amusé, comme ont pu faire nombreux de nos amis et un mariage jeune !   Très, vite sont venues les charges de famille, que nous avons choisi, je le reconnais…J’avais l’impression d’une jeunesse volée. Aujourd’hui, les envies d’un - ailleurs - s’estompent, reviennent de temps à autre, mais sans avoir envie de franchir à nouveau le pas.

 Au fil des jours, c’est un peu déstabilisant pour Martha, de le retrouver en maître de maison, installé en véritable propriétaire des lieux, en tant que patriarche en quelque sorte, rôle qui lui convient à merveille.

Rien de comparable avec des vacances en couple !

Au fil du temps, tout compte fait, cette situation dérangea Martha, beaucoup moins que ce qu’elle ne l'appréhendait. Passionnée par son travail, qui la tenait de longues heures éloignées de la maison, et toujours comblée par son amant, elle s’interrogea très peu sur ce que Paul faisait de ses journées. Lui, qui n’avait jamais participé aux tâches ménagères, prit en charge la préparation des repas, qu’il faisait très bien au demeurant, en libérant Martha de cette contrainte.

Il ne fallait quand même pas lui en demander plus et surtout, ni de passer l’aspirateur, ni de faire ou baptiser le lit. Néanmoins, le fait de prendre en charge les courses, et a préparation des repas, était un soulagement énorme.

Une certaine vie, relativement plus paisible, s’installa entre tous les deux malgré tout, chacun évitant de poser des questions sur la vie privée de l’autre. Si au fil de toutes ces années, Martha, avait fait preuve de beaucoup de discrétion dans sa vie parallèle, de son côté, Paul, n’avait jamais manifesté ni curiosité, ni jalousie à son égard. Quelques années passèrent ainsi…

Une nouvelle aventure héroïque s’annonça lorsque quelques années plus tard, à son tour, Martha, cessa son activité professionnelle. Dans un premier temps, chacun des deux, eut rapidement l’impression d’étouffer avec cette nouvelle cohabitation. Était-ce à nouveau une crise qui se profilait à l’horizon, allait-elle avoir raison de leur couple ? Alors qu’à vingt ans, on ne rêve que de vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensemble, à vivre cette situation au moment de la retraite, demande une adaptation l’un à l’autre qui n’est pas aisée.

 Ils avaient résisté aux premiers conflits de tout jeune couple, fait le choix de privilégier la carrière de l’un ou de l’autre, (Martha n’avait-elle pas dû abandonner certains rêves), l’infidélité, la naissance assez rapprochée de chacun des enfants et les nuits écourtées par les biberons.  Plus trad, l’affrontement sur leur éducation et leurs études, fallait-il à leur âge être encore en désaccord ? 

La vieillesse des corps, la diminution des facultés physiques et psychiques, qui inévitablement allaient s’accentuer, n’était-ce pas suffisant en soi ?

Heureuse de retrouver son - chez moi -, Martha avait la prétention de reprendre les rênes du foyer, par contre, ce n’est pas ainsi que Paul l’entendait.

Martha aurait pu parodier une certaine publicité : - la maison c’est moi - !

Avançant en âge, elle s’interroge sur ce sentiment d’appropriation qu’elle ressent, pour tout ce qui concerne en plus de l’organisation, l’exécution des tâches ménagères. C’est, certainement, une conséquence de l’éducation de sa génération.

De - son temps - les femmes ne demandaient pas au mari de laver la vaisselle ou de passer l’aspirateur ! Les temps ont bien changé, ma bonne Martha, aurait pu dire sa mère !

– D’ailleurs, pourquoi ai-je tendance à dire merci à Paul lorsque par hasard, il vide le lave-vaisselle ? Est-ce qu’il fait la même chose avec moi chaque fois que j’accomplis une tâche ménagère ?

Martha se met à rire intérieurement à l’idée saugrenue qui vient de lui traverser la tête ! Comment imaginer une chose pareille ! Paul disant merci, mais c’est de la science-fiction !

D’un autre côté, quelle place laissait-elle à son mari en voulant régenter en quelque sorte la gestion de la maison, et ne faisait-elle pas en fait main basse sur cet espace qui doit être un espace à vivre à deux ?

– Difficile de dissocier entre ce que je pense être de mon ressort de travail et la liberté qui est la sienne de vivre aussi à sa guise en ce lieu que nous partageons !

En fait, sous le prétexte de prendre la logistique en charge, je crains parfois d’être un peu trop possessive et directive, sur ce qui doit être…

Pas aisé de trouver un juste milieu pour que chacun y trouve son compte, qu’il ne se sente pas étranger chez lui et plus particulièrement lorsque des habitudes, différentes, ont été prises au quotidien sur de longues années.

Certains échanges, moins conflictuels, amenaient Martha à se remettre en cause, démarche qui bouleversait ses certitudes en l’obligeant à admettre que Paul pouvait avoir des aspirations qui puissent être différentes des siennes dans leur mode de vie et l’occupation de cet espace commun. Sur ce sujet, ils n’accordaient pas la même importance à tous les aspects de la cohabitation, il fallait en conséquence arriver à un compromis.

Parmi quelques exemples, Martha adore s’attarder le soir sans regarder la pendule et Paul adore laisser trainer les journaux ou livres…

– J’ai besoin d’ordre, y compris dans les placards !

– J’ai besoin que l’heure des repas soit régulière et pas trop tardive le soir !

–  Sous prétexte d’un problème de santé, voilà qu’il nous fera manger à l’heure des poules !

– Martha, inutile de marmonner, je t’entends. Ceci n’est pas un prétexte, juste un besoin de santé !

Martha , s’affaire à ranger ses casseroles, préférant faire semblant de ne pas entendre plutôt que de partir, une fois encore, dans des discussions à ne plus en finir. 

La perfection n’étant pas de ce monde, un effort, cependant, fut envisagé et fait par chacun des deux.