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EglantineLilas
Légende

Il y a 3 mois | 81 vues

Ils commencent à vieillir ensemble...

On dit qu’on vieillit mieux à deux, mais on vieillit quand même ! L’autre n’est plus le jeune homme ou la jeune femme que l’on a épousée. Celui qui est en face de soi, renvoi à soi-même l’image qu’on évite de regarder dans les glaces de la maison.

Il lui en veut de ne pas avoir envie de sortir plus souvent, de passer trop de temps devant l’ordinateur à écrire je ne sais quoi, ou à je ne sais qui. Il lui en veut d’être devenue trop casanière, de sa manie du rangement, de ne plus être coquette. Il lui en veut, de ses silences, de la voir vieillir et s’oublier.

Elle lui en veut, d’être le miroir de leur vieillesse, des pas qu’il traîne, de le voir se figer sur place dès qu’on lui adresse la parole - sans doute pour mieux entendre, les appareils auditifs n’étant pas tous les jours au maximum de leur performance, et à un certain âge, difficile de faire deux choses en même temps certainement. Elle lui en veut, de ses oublis qui s’installent de plus en plus souvent, de ce manque d’intérêt pour quoique ce soit.

Martha, traverse des périodes où elle n’aime plus trop guère parler, alors elle se confie à son cahier, son confident muet, son ami.

Insidieusement, la vieillesse est venue me prendre un peu au dépourvu je l'avoue. Je me suis imaginée que j’allais rester jeune…toujours ! Est-ce la photo vue sur le Net qui tout d’un coup m’a renvoyé à mon âge ? Non, certes, non ! Pour ça, mes glaces sont assez méchantes pour me faire remarquer que le poids des ans a rajouté au poids de ma balance ! Je les fuis comme la peste et pourtant il y en a toujours une qui se met sur mon passage.

En fait, c'est ma tête qui commence à m’inquiéter…ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, non je ne perds pas …encore …la tête sinon je ne pourrais pas en parler ! L’inquiétant dans l’histoire, c'est que je n’ai plus envie de parler ni d’expliquer …Je voudrais qu’on me comprenne à demi-mots. Quand je raconte un fait, qu’on ne me pose pas mille questions auxquelles personnellement je n’ai pas envie de penser. Il me reste les doigts qui continuent à courir sur le clavier et, les pensées qui se bousculent dans la tête. Parce qu’écrire c’est silence…et qu’après m’être tellement agitée dans la vie, il est temps, maintenant que j’ai vieilli, de faire durer les minutes, pour les transformer en éternité, et ça ne peut se faire que dans le silence. L'automne de ma vie est passé, bientôt l'hiver, alors j'écris parce que ça prolonge mes saisons…

– Ah ces saisons qui passent si vite, Paul !

– C’est pour ça qu’il faut profiter du présent, Martha !

– Je voudrais bien, mais je n’arrive plus à faire dans une journée, tout ce que souhaite !

– Tu n’as plus d’obligation, alors prends un peu les choses comme elles viennent !

Facile à dire, plus difficile à faire pour moi ! Je voudrais tant avoir la capacité d’accomplir ce que je faisais si facilement, il y a simplement quelques années en arrière !

– Il faut avoir la sagesse de l’accepter, car sans vouloir te décourager, cela ne va pas aller en s’arrangeant, bien au contraire !

Dans des cas pareils, Martha s’énerve vite.

– Toi parler de sagesse ? C’est trop cocasse ! On arrête la discussion avant que cela ne dégénère comme d’habitude, tu vas complètement me démoraliser une fois encore, casser le moral des gens ça tu connais !

– Mais je ne casse rien, je ne te dis que la vérité des faits …

– Restons en-là veux-tu …j’ai mieux à faire.

– Quel caractère, je ne peux jamais dire deux mots !

Paul , n’est pas du style à galvaniser spécialement son environ. Non, quand sa femme s’inquiète par exemple sur les enfants, ce qui est le sujet le plus récurrent, c’est curieux l’imagination dont il fait preuve pour aggraver le moindre épisode, même le plus anodin ! Y a-t-il une certaine jouissance de sa part à pouvoir mettre en réserve - je te l’avais bien dit - si par hasard les évènements se gâtaient ? … Sans doute !

Le quotidien se complique toujours avec la vieillesse dans les actes de la vie courante. On devrait vieillir dans deux appartements mitoyens, se dit souvent Martha, ça serait plus facile pour la salle de bains et les toilettes… C'est aussi ce que pense Paul sans que l’un ou l’autre ne l’exprime à haute voix, car malgré tous les petits accrochages, ils sont incapables de vivre loin l’un de l’autre. Il reste une grande tendresse qu’on cache par pudeur souvent…

– À défaut de deux appartements, ce qui présenterait un certain désagrément, compte tenu de notre attachement réciproque envers et contre toutes nos différences, nous aurions dû prévoir d’avoir certaines pièces en double ! Qu’est-ce que ça m’agace lorsque Paul me dit :

Je te laisse la salle de bains

Martha sait qu’elle n’est guère patiente en général et qu’elle ne devrait pas toujours prendre les choses à rebrousse-poil !

– Non mais c’est vrai ça, on dirait qu’il m’ordonne d’aller à la salle de bains lorsque lui en a décidé ainsi !

– Tu ne t’emballes pas un peu vite ? Ce n’est certainement qu’une maladresse de formulation…

– Peut-être, n’empêche que ça m’agace ! Il pourrait par exemple dire : j’ai fini dans la salle de bains ou bien encore la salle de bains est libre !

– Pourquoi veux-tu absolument qu’il réagisse comme toi ?

– Euh, ce n’est pas ça. En fait, je crois que je n’arrive pas à me défaire de deux choses…

– Deux seulement ? Souris la petite voix intérieure.

– Je te vois venir toi, disons au moins deux.

– Et qui sont ?

– Le sentiment en permanence, et dont je n’arrive pas à me défaire, d’être toujours jugée par Paul, et bien entendu pas dans le bon sens, et l’autre, ce besoin qu’il a de tout gérer, y compris ce que je dois et quand le faire. Tiens une phrase qui m’horripile : - je t’ai laissé ceci ou cela…lors de nos repas.

– Et tu voudrais qu’il dise quoi ?

– Tout ce qu’il veut, mais pas cette phrase-là !

Dans les phrases de Paul, y a-t-il des sous-entendus ? Probablement qu’entre ce qui est dit et ce qui est entendu par Martha, il y a une nuance, mais n’en est-il pas ainsi très souvent dans les échanges entre les uns et les autres ?

Dans le quotidien , d’autres problèmes doivent être affrontés. À vivre ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les besoins naturels se manifestent souvent au même moment.

– Martha , tu es toujours là où j’ai besoin d’aller !

– As-tu pensé qu’il en est de même pour moi ?

Paul s’en va en bougonnant une fois de plus, avec sa mauvaise foi naturelle. De là à penser que parfois sa femme le fait exprès, du moins c’est qu’il a envie de lui faire croire.

Toujours besoin de renvoyer le problème sur l’autre !

 Il y a du vrai là-dedans , le silence de la maison l’agace, alors il provoque et cherche. Il n’en faut pas plus à Martha, pour réagir. C’est ainsi qu’ils ont fonctionné tout au long de leur vie, l’un cherche et l’autre enchaine…on joue à qui cherche-trouve… Dès le réveil, les questions fusent :

– Martha, qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?

– Pas encore le temps de déguster mon café tranquillement que l’éternelle question est déjà posée !

– Paul ! Laisse-moi boire mon café, on voit ça tout à l’heure !

–  On ne peut jamais te parler !

–  Oui, on peut me parler… Quand j’aurai bu mon café !

Comme tous les matins, Paul qui s’est levé plus tôt que Martha, part vers son ordinateur en bougonnant.

C’est lui qui fait les courses d’accord, mais il est encore tôt saperlipopette ! On dirait que nous sommes en temps de guerre et que la marchandise va manquer dans les magasins !

Martha ne fait pas toujours preuve de diplomatie, c’est certain !

– Elle ne comprend pas que j’ai besoin de temps pour me préparer, boire son café ne l’empêche de répondre ! Elle a toujours le temps de parler avec les uns et les autres et jamais avec moi !

 

                                                                                                                                                         À suivre… Peut-être !