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EglantineLilas
Légende

Il y a 3 mois | 152 vues

Avant que la dernière page ne se referme

J'ai fait un saut, sur quelques chapitres, pour arriver vers la fin de mes bavardages. Tout cet écrit avait un sens pour moi lorsque je l'ai écrit. Il en a sans doute moins, page à page, et je ne voudrais pas être trop envahissante, ce que j'ai été sûrement ! 😀

Une brise légère, rafraichissante après les grosses chaleurs qui se succèdent depuis plusieurs jours, lui donne un moment de bien-être qu’elle ne prend pas toujours le temps d’apprécier. Elle s’est levée sans éclairer la chambre afin que Paul puisse prolonger sa nuit, des nuits de plus en plus perturbées par une vessie qui nécessite des levers répétés.

– Les ennuis de santé arrivent souvent sans préalable, encore plus à partir d’un certain âge… Soupire Matha.

C’est en ce début de mois que les étoiles sont les plus brillantes, dit-on. Il fait encore assez sombre, malgré le jour naissant, pour se rendre compte qu’elles étincellent dans le ciel. Il y a si longtemps qu’elle n’a pas pris la peine de les regarder. Ce moment de bonheur simple la renvoi vers son enfance avec des vacances à la montagne et son père qui lui raconte chaque constellation. C’est à son tour de transmettre maintenant aux arrière-petits-enfants. Le temps a passé si vite ! Les petits-enfants sont à présent eux –mêmes chefs de famille.

– Pourvu que leur route ne soit pas trop semée d’embuches…

Martha croise les doigts par superstition, mais il ne lui incombe plus d’être le pilier principal qui soutient, les parents sont là et c’est heureux ! Les nombres de, « Mamie est ce que tu peux… » sont devenus plus rares, sans doute ont-ils conscience que j’ai vraiment vieillie !

Ce mois d’août verra certainement le passage des enfants et des petits-enfants… Enfin il l’espère tous les deux.

– Un peu de jeunesse dans la maison fera du bien. Paul ira dénicher pour chacun et chacune les produits qu’ils aiment le plus. Les petits déjeuners seront pris en commun pour certains. Les plus flemmards s’affaireront plus tard dans la matinée dans la cuisine… Qu'importe les bols qui trainent, le moment venu chacun mettra la main à la pâte.

La vie professionnelle est devenue dans l’ensemble plus compliqué, bien qu’on donne l’impression de privilégier les loisirs au détriment du travail…un trompe-l'œil se dit Martha. Les loisirs ont certes pris une grande place, cependant on trouvait plus facilement sa place dans une entreprise lorsqu’on avait l’opportunité d’y décrocher un job.

– Pourront-ils accorder leurs congés ? … Nous verrons bien, je sais qu’ils feront pour le mieux. Dans le cas contraire, Paul va encore grommeler, interpréter une explication à sa façon et de mauvaise foi de préférence…j’ai l’habitude, c’est sa façon à lui de manifester sa déception !

Les premières lueurs du jour sont là, les étoiles se retirent jusqu’à la prochaine tombée de la nuit. Quelques voitures de personnes travaillant à l’extérieur quittent la rue alors que d’autres les remplacent rapidement. La bonne odeur de la boulangerie de la rue voisine arrive jusque sur le balcon de Martha.

– Hum ! Cette bonne odeur de pain frais, me donne envie   d’un deuxième café avec de bonnes tartines…Paul ne va pas tarder à se lever…il me dira :

Tu as dormi ?  je lui répondrai :

Une bonne partie de la nuit et toi, tu n’es pas trop fatigué ?

Depuis quelques mois, le rituel est installé.

La lassitude sur son visage en dira plus que sa réponse. On s’en défend, on essaye de résister, mais   inexorablement, c'est vers un déclin que l’on se dirige… personne n’en est maître.

La vie prend un rythme plus ralenti au fil des jours et des mois, plus casanier aussi. Quelques sorties plus espacées, y compris pour faire les courses pour Paul, et moins de sorties, pourtant nécessaires, pour Martha.

Pour ses parcours, à petit pas, elle a acheté une canne qui lui permet des brèves haltes en s’appuyant dessus sans avoir besoin de chercher un banc ou un support pour s’appuyer. Tout une histoire cette canne !

Compte tenu des difficultés à courir les magasins, beaucoup d’achats se font maintenant pour elle par internet. Paul de son côté résistant encore un peu, préférant les commerces de proximité.

Une première commande est faite sur un site où la livraison est non seulement rapide, mais les échanges se font sans difficultés. Le choix se porte sur une canne noire et discrète.

– C’est du moins ce qui me semblait le mieux me convenir !

C’est une canne fleurie qui est livrée. Formalités assez simples pour demander un échange, retour dans un point relais et on attend la réception de la nouvelle… Qui arrive identique à la première, c'est-à-dire fleurie ! Après un contact téléphonique au service clients pour manifester une colère mal contenue, cependant polie - La canne m’est offerte !... Et après tout ce n’est pas mal fleurie !

Les livres s’entassent toujours pour des lectures, seulement, elles aussi, au ralenti, les mots croisés présents par séquences plus courtes, et la télévision commence à prendre un peu de place dans les habitudes.

Qu’est qu’on mange aujourd’hui, question immuable de Paul tous les jours, est complétée chaque soir par l’éternelle demande :

–  Qu’est-ce qu’on regarde ce soir ?

– As-tu regardé le programme ?

–Des rediffusions et encore des rediffusions ! Parfois une variante pour sa réponse :

Il y a un inédit sur la chaîne…

Martha, somnole la plupart du temps au démarrage de l’émission quelle qu’elle soit, et quant à Paul, c’est :

– Je vais me coucher, j’ai sommeil… Et ce, à mi-parcours du film ou de l’émission !

La télévision, c'est plus une habitude, une facilité, lorsqu’en fin de journée le livre se fait lourd au bout des bras et que la vue est moins bonne avec la lumière électrique, plus qu’une réelle satisfaction.

etc ....

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Ce récit pourrait être celui d’une vie vraiment vécue par un couple, il n’est que la rencontre et la mise en scène, de divers évènements qui jalonnent, au fil du temps, ce long chemin fait à deux.

Chaque histoire d’un homme et d’une femme est bien trop particulière, on ne peut en faire une généralité. De plus, avoir eu vingt ans dans les années cinquante/soixante et avoir vingt ans dans les années deux mille, n’aura pas les mêmes répercussions sur le quatrième âge.

Sans doute, les crises que traversent les couples sont éternelles, la façon de les gérer diffère au fil du temps, car la mentalité des protagonistes change et l’environnement avec.

Il reste, néanmoins, que nous vieillissons avec nos qualités, ainsi qu’avec nos travers qui s’accentuent avec les années qui s’additionnent. La situation financière qui permet, ou pas, d’adoucir les difficultés dues à l’âge. Nous vieillissons, seul ou en couple, nous vieillissons en plus ou moins bonne santé suivant les périodes de notre vie. L’état de santé, dont on ne peut imaginer, dans notre jeunesse, les conséquences sur notre vie de tous les jours lorsque les décennies se sont additionnées aux décennies.

 À chacun de se donner les moyens, autant que cela se peut, pour que cette dernière page du livre de la vie, se passe dans les meilleures conditions possibles, au présent et dans l’avenir... en ne gardant en tête que les bons souvenirs. Laissons à nos enfants le sourire apaisé, de la vieillesse acceptée malgré les difficultés rencontrées.

                                                                                                        Fin