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Il y a 7 mois | 107 vues

Le Jour d’Avant (Sorj Chalandon)

Sorj Chalandon est un journaliste français, membre de la rédaction du Canard enchaîné. C’est sans doute pourquoi son roman est si parfaitement documenté, instruit aussi à la manière d’un article sur le terrible accident qui a coûté la vie à 42 mineurs dans la fosse Saint-Amé de Liévin-Lens, le 27 décembre 1974. Sorj Chalandon est aussi un écrivain, il sait retenir le lecteur avec sa plume concise, authentique , des phrases courtes, un style personnel qui n’est pas exempt de sensibilité et incarne des personnages profondément touchants. Le sujet de la mine est évidemment omniprésent, on apprend beaucoup dans ce roman où les Gueules noires sont évoquées:  leur tenue dans la « salle des pendus » , leurs outils (taillette de lampe, lampe de casque..), leurs rituels (le savon dans la douche commune), leur solidarité, leur courage et leurs peurs (le grisou). C’est un bel hommage que l’auteur leur rend. Mais il dénonce aussi la précarité des conditions où ces hommes exercent leur métier, l’impact des rendements, la silicose qui détruit à jamais leur vie, l’insalubrité et le manque de sécurisation dans les galeries (coup de grisou du 27 décembre 1974) .

Michel Flavent, petit frère de Joseph (Jojo), fils d’agriculteurs rend compte de cette vie difficile. Son admiration pour Jojo va échafauder tout un scénario poignant faisant rebondir de manière remarquable l’impunité attribuée aux responsables de cette catastrophe. C’est très bien construit et il faut attendre le milieu de cette histoire pour que se dévoilent les tenants et les aboutissants complexes qui ont mobilisé Michel jusqu’à son geste assassin. Comment il a endossé l’icône de Jojo (Steve McQueen), ses rêves (sport mécanique), calqué ses peurs (la mine), adhéré à une sombre mission (la vengeance) alors qu’il expiait sa douleur, suite à un drame. J’ai apprécié le rôle rédempteur de Lucien Dravelle, le porion (contremaître).C’est un vrai thriller psychologique, riche en valeurs humaines, triste et inéluctable qui n’a d’issue qu’un procès (une plaidoirie d’avocat général remarquable).

J’ai apprécié cette fiction . Elle apporte à un fait réel, une belle dimension de réflexion , met en lumière un passé pas si lointain où le mineur travaillait très durement pour les Houillères.

Un petit extrait , celui d’une fresque sociale :

« Ils marchent au pas, frappent le pavé en cadence. Les galibots sans âge, les piqueurs, les boiseurs, les boufteux. Les infirmiers mêlés aux lampistes, les ouvriers aux porions. Arrivent les contremaîtres, les ingénieurs, les surveillants. Puis dans le rang, le directeur de la mine et le chef de siège. Les écharpes crasseuses côtoient les nœuds papillon noirs Les cols cassés, les costumes étriqués des chefs de service, les pipes ouvrières, les maillots déchirés. Chacun s’incline devant le chevalet, avant de continuer son chemin vers la fosse à pas lourds. »

Bonne lecture.


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