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mariefd
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Il y a 7 mois | 189 vues

"Vieille chanson du jeune temps" de Victor Hugo

"Je ne songeais pas à Rose
Rose au bois vint avec moi
Nous parlions de quelque chose
Mais je ne sais plus de quoi

J'étais froid comme les marbres
Je marchais à pas distraits
Je parlais des fleurs des arbres
Son œil semblait dire après

La rosée offrait ses perles
Le taillis ses parasols
J'allais j'écoutais les merles
Et Rose les rossignols

Moi seize ans et l'air morose
Elle vingt ses yeux brillaient
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient

Rose droite sur ses hanches
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc

Une eau courait fraîche et creuse
Sur les mousses de velours
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds

Rose défit ses chaussures
Et mit d'un air ingénu
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu

Je ne savais que lui dire
Je la suivais dans le bois
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds
Soit n'y pensons plus dit-elle
Depuis j'y pense toujours."

Ce poème est remarquable à plusieurs égards, et il faisait les délices de mes étudiants quand nous travaillions  le romantisme et la métrique.

Il appartient à la première partie du recueil des "Contemplations" : "Autrefois" (1830-1843), livre de la jeunesse, des premiers émois amoureux, époque d'un lyrisme heureux et sensuel. "Aujourd'hui" (1843-1855) étant le livre du deuil où le poète tente d'établir une forme de communication avec sa fille défunte.

Dans ce poème, on peut,  entre autres, noter que le choix du prénom "Rose" permet des anagrammes tout à fait opportuns dans le contexte de la situation :"Eros", bien sûr, et "oser"... ce que le narrateur ne tentera pas!

De manière plus "comptable", je m'amusais à faire deviner (en ayant pris soin de masquer dans les vers 13 et 14 les mots qui les auraient renseignés) l'âge des deux protagonistes, en relevant toutes les occurrences de chacun. Ainsi Rose apparaît 20 fois ("Rose", "son œil", "elle", etc...) et le narrateur 16 fois ("Je", "moi", "me", etc...). 

Et d'autres détails qui démontraient que Hugo était bien loin de l'improvisation et de l'écriture spontanée!

Julos Beaucarne, en 1969, a mis ce texte en musique.

 


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