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Nathavh
Expert

Il y a 6 mois | 86 vues

Dernier bateau pour l'Amérique - Karine Lambert

Karine Lambert nous propose son roman le plus personnel, une enquête pour comprendre ses racines et l'origine du manque d'amour maternel mais aussi un fabuleux voyage à travers le temps et l'espace, émotions garanties. ♥

Au décès de sa mère qu’elle n’avait pas vu depuis plus de 20 ans, Karine a reçu un message de Viviane, sa cousine d’Amérique dont elle n’avait plus de nouvelles depuis un demi-siècle. Ce message l’a bouleversée et elle s’est questionnée sur la notion de famille, pourquoi sa mère, Germaine Schamisso avait coupé tout lien avec celle-ci, pourquoi sa mère n’avait jamais témoigné pour elle le moindre geste d’amour ? Pourquoi sa mère avait-elle dédié sa vie pour plaire à son mari ? Elle qui était une pianiste virtuose, une femme en quête de liberté ?

La narration est originale et émouvante. En alternance, l’autrice nous raconte l’évolution de son enquête, les maigres éléments en sa possession mais aussi ses sentiments et émotions à l’écriture, ses doutes, ses peurs et la nécessité de savoir. D’autre part, le roman prend le dessus et l’on découvre qui était Germaine Schamisso, une petite pianiste prodige qui allait fêter ses 10 ans à Anvers le 10 mai 40, jour où tout bascula, le début de la guerre. Issue d’une famille d’émigrés juifs russes, commence pour elle un nouvel exil, un long voyage vers le Sud de la France, New York, Anvers en passant par la fabuleuse Julliard’s School , Carnegie Hall où Germaine donna un concert à l’âge de 15 ans.

On découvre la famille, la fuite contre le nazisme, un nouveau départ, des peurs, des craintes mais le plus fort est ce sentiment d’espoir, de liberté.

La plume de Karine Lambert est magnifique, bouleversante, c’est une raconteuse d’histoire née, beaucoup d’émotions ressenties à la lecture. L’écriture est belle, pudique, juste. J’ai vraiment été emportée par cette histoire, le sentiment de l’avoir vécue, d’avoir accompagné Germaine et Karine durant la lecture.

Lisez ce livre, il est magnifique.



Coup de ♥


 

Les jolies phrases



Ma mère est morte il y a un mois.
Je ne suis pas allée à son enterrement.
Vingt ans que je ne l'avais pas vue.
Elle ne m'avait jamais dit qu'elle m'aimait.

Ni avec ses mains, ni avec ses yeux, ni avec ses mots.

Encore moins avec ses baisers.

Pour l'instant tout va bien, mais le malheur traversé ne protège pas d'un nouveau malheur.

Un elle écrit.  Un  je  murmuré.  

En elle, je pèse chaque mot, je nuance.  En je, je me laisse aller.

Être juive, c'est ainsi. On n'a plus rien, on est nu, on a froid, on est seule.

Juive.  C'était un mot vie. Vide de savoir, de sens, de liens.  Ma mère a manqué à cela aussi.  Partager la richesse de ses origines.  Je commence à percevoir le paradoxe. Faire partie de la grande famille, c'est à la fois bénéficier d'un terreau fertile et devenir une cible.

Pour raconter leur histoire, je ne dispose que d'ombres, parfois d'un peu de lumière.  

Elles ont un point commun, les trois soeurs.  L'urgence de vivre pour compenser leur jeunesse volée.  Briller leur prenait tellement d'énergie qu'il ne restait pas de place à ces femmes pour être mère.

Pour les sortir de l'oubli, , je suis sourcier, paratonnerre, éponge. J'essaye d'être authentique.  J'essaye de réduire au mieux l'écart entre légende et vérité.  Je tente de dater avec précision les événements.  J'explore les silences, j'appréhende les secrets. Le reste, je peux, je dois le fantasmer.  Si je ne trouve pas de réponse factuelle à mes interrogations, je privilégie la dramaturgie de l'histoire.

Je ne connais rien qui puisse autant me raccrocher à la vie que l'écriture. C'est aussi fort que d'être amoureuse. Chaque livre est une nouvelle histoire d'amour. Je pensais que celle-ci n'en était pas une.

Pour moi, Juif, cela signifie la terreur, l'horreur, le malheur.  J'ai déjà quitté un pays à cause de toi, ma carrière de l'autre côté de l'Atlantique à cause de toi.  Je ne suis plus le paquet que vous déplacez à votre guise.  Je n'irai pas en Israël, je n'irai pas à New York, je n'irai plus où tu veux.  Mon mari deviendra mon continent. 
 

 

Si l'on avait été deux, le silence n'aurait pas pris toute la place.  On aurait terrassé le chagrin et l'indifférence.  Je ne peux m'empêcher de penser que cela aurait tout changé. 


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