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SophieCSB
Expert

Il y a 1 mois | 65 vues

Récit autobiographique

Bien évidemment, elle relate son sauvetage, à 15 ans, et avec sa mère, par une ONG suisse, du génocide Tutsi au Rwanda en 1994. Il y a donc des faits concrets, des fuites, des caches, des rencontres, des portraits. On est avec Beata, on tremble, on voit la mort arriver, on se fige devant les cadavres. Cette partie très réaliste est nécessaire pour savoir de quoi on parle, mais je n'ai pas trouvé sa lecture difficile. Je pense que sa volonté de survivre a été tellement forte qu'elle ne s'est pas appesantie sur l'horreur de cette période pour ne pas être tentée de baisser les bras. De fait, pour moi, son récit est surtout une course en avant pour sortir du pays avec sa mère. Sa volonté a probablement été sa plus grande force. Pour cela, elle a toute mon admiration.

Mais ce récit est bien plus que cela. L'auteure nous explique aussi tout le cheminement qui l'a amenée à écrire son histoire : Doit-elle le faire? Pour elle ou pour tous les survivants? Les images retrouvées sont-elles les seules existantes? Doit-elle chercher les autres? Des survivants ont-ils la même démarche? Les photos témoignent-elles vraiment de la réalité?

J'ai trouvé toutes ces réflexions très intéressantes à lire. On sent bien toute l'émotion de l'auteure à expliquer son raisonnement. Au fur et à mesure de ses trouvailles notamment auprès de la BBC et de l'ONG Terre des Hommes qui l'a sauvée, elle ouvre des fenêtres vers d'autres survivants avec qui elle finit par former un vrai réseau. Les témoignages qu'elle organise auprès de lycées et de collèges la confortent dans son idée de transmettre son vécu. J'ai eu l'impression qu'elle engrangeait de la force pour se convaincre totalement qu'elle devait écrire son récit. C'était très beau à lire.

 

Deux aspects plus généralistes m'ont interpellée.

Généralement, quand on parle de "convoi", l'esprit comprend tout de suite "convoi de Juifs pendant la seconde guerre mondiale". Ce sont donc des convois de la mort. Or, dans le cas de Beata, il s'agit d'un convoi de la vie puisqu'il va sauver des dizaines d'enfants. L'auteure a souvent croisé des survivants de la Shoah lors de conférences ou de commémorations et cet aspect, d'apparence anecdotique, leur fait tous dire qu'il ne faut pas conclure d'une situation sur un mot. Il est nécessaire que chacun s'informe auprès de sources fiables pour connaitre la vraie Histoire.

Beata Umubyeyi Mairesse évoque aussi la problématique de l'image et la diffusion de celle-ci au monde. Beaucoup de photos ont été prises lors des trois convois qui seront organisés en juin - juillet 1994. L'auteure les a parfois retrouvées dans des magazines avec une légende totalement erronée. Cette mauvaise information l'a confortée dans son idée de transmettre la vérité qu'elle a elle-même vécue. Elle en a aussi conclu que ces images appartiennent aux survivants et qu'il serait légitime qu'ils les réclament, ce qu'elle a fait, inlassablement.

 

"Le convoi" est un récit fort, instructif, plein d'émotions et de rebondissements (la quête d'informations de Beata est un vrai jeu de piste!). Je lis rarement ce genre de témoignage  mais je ne regrette absolument pas cette lecture que je conseille à toutes et tous.