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SophieCSB
Expert

Il y a 27 jours | 62 vues

La danse des damnées, de Kiran Millwood Hargrave

A Strasbourg, en 1516, l'été est caniculaire. Il succède à un hiver très rigoureux et de fait, la famine menace. La tension est dans l'air et la révolte des plus pauvres couve dans l'ombre. Enfin, la guerre entre Saint Empire Germanique et Empire Ottoman est dans toute les têtes. Cette chaleur n'arrange donc rien, et l'entrée dans la danse de Frau Troffea est la goutte d'eau qui fera déborder le vase. Délire d'une faible femme? Réincarnation du Diable? Tout le monde s'interroge, mais voit surtout là un spectacle à ne pas manquer, d'autant que d'autres femmes se joignent à elle...

En banlieue très éloignée de la ville, Lisbet attend un enfant. Ce n'est pas son premier, mais elle espère bien que celui-ci vivra. En attendant la délivrance, elle s'occupe de ses abeilles, des ruches qui fournissent une cire très appréciée et du miel qui sauve la famille de la famine. C'est aussi un échappatoire à l'ambiance du moment, elle qui vit entre un mari qui la dédaigne et une belle-mère pleine de froideur. Le retour d'Agnethe, sa belle-soeur, va changer à jamais le cours des choses.

 

Dans ce récit historique, on est plongé dans la vie des femmes du 16ème siècle. Le Moyen Age est certes fini, mais les superstitions demeurent, et l'arrivée du protestantisme aiguise les exigences des catholiques extrémistes. Le Diable est forcément partout, et particulièrement dans ces pauvres femmes, qui ont leurs humeurs et ne comprennent pas tout. Alors quand elles se mettent à danser sans que leur père ou mari n'y puissent rien, les autorités civiles et religieuses sont décontenancées.

L'histoire aborde bien d'autre thèmes sociétaux, qui existent encore aujourd'hui. Ainsi, Lisbet devra cohabiter avec des musiciens, dont un Turc, peuple que son mari a toujours considéré comme sauvage. En ouvrant son cœur, elle découvrira que l'autre est finalement comme soi-même, un être de chair et de sang, avec les mêmes sentiments et les mêmes désirs. 

Et puis, si sa relation avec sa belle-soeur démarre timidement, le partage de leurs secrets les fera se rapprocher. Ainsi, la naïve Lisbet découvrira que le bonheur et l'amour ne se trouvent pas forcément là où les prêtres l'ont toujours scandé.

Basé sur des faits historique véridiques, cette histoire nous captive dès le premier chapitre. On y découvre cette femme qui sera la première "danseuse", et le ton est donné. L'auteure va ensuite alterner plus ou moins les chapitres relatant cette danse frénétique et la vie de Lisbet, femme s'espérant mère à tout prix. Ce format a tout pour rendre le récit vivant et plein de suspense. Si les personnages sont clairement définis, ce sont bien leurs secrets qui feront basculer les évènements, loin des conventions sociales de l'époque.

Je tiens à souligner particulièrement toute la poésie qui se dégage des paragraphes décrivant la relation entre Lisbet et ses abeilles. C'est un véritable ballet qui s'engage à chaque fois que des travaux appellent la jeune femme auprès des ruches, entre le vol des insectes et le mouvement des bras de l'apicultrice. Tout est lenteur et symbiose, apaisement et satisfaction du travail bien fait. C'est assez émouvant à lire.

La lecture de "La danse des damnées" m'a enchantée. Ce second roman de Kiran Millwood Hargrave confirme tout le bien que je pense d'elle. J'attends donc avec impatience son prochain roman!