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ORjura
Champion

Il y a 11 jours | 110 vues

La vie, la mort… l’humour !

Gloire est partie de chez elle depuis 13 ans et sa famille ne l’a pas revue avant sa mort. On écoute dans de courts chapitres sa mère, sa sœur et sa grand-mère nous conter des épisodes de leur propre vie, de leur passé avec la jeune fille, et de la manière dont elles traversent ce deuil. On croise des maris militaires, des nez trop longs, trop moches, avec lesquels il faut savoir composer…

 

Sa grand-mère est dans son EPADH, troublée par l’annonce de la mort de sa Gloria au cours de son émission préférée. Elle adore en effet Nagui et ne rate jamais « ses bons programmes pour nous donner le sourire et assommer nos peines ».

J’ai un faible pour cette drôle de grand-mère qui n’a pas sa langue dans sa poche et dévoile avec truculence « le plaisir du creux de jambe en dehors du foyer ». Elle se souvient de l’époque où elle s’employait à « aider à tromper » ! Elle explique : « Je promettais de passer une heure à tâter du torse en dehors de la garnison plutôt qu’à en rêver ».

 

Sa mère est à la morgue pour reconnaître le corps de Gloire. C’est une femme brisée par la vie et qui, pour arrêter ses quintes de toux, se shoote… à la naphtaline (ça, fallait l’trouver !). Son constat est amer : « Aucune passion. À part mes torchons, mes éponges, constituer mes réserves de naphtaline ».

Elle n’aime pas du tout les choses de « là où je pense » et son mari la quitte pour une jeunette. D’un côté, cela la soulage puisque « Le dimanche ne serait plus jamais le jour de passer à la casserole, mais celui de rester tranquille dans le lit, en paix… ».

 

Sa sœur est à l’église pendant l’enterrement. Elle seule a gardé un lien avec Lolo qui lui téléphone de temps à autres. À l’instar de sa mère, elle n’aime pas le sexe mais elle se délecte des frasques de Lolo. « Plus ma sœur me décrivait les mecs et leurs habitudes, ce qu’elle leur faisait et ce qu’ils prétendaient lui faire (…), plus çà me donnait envie. Pas de baiser, d’écrire. J’ai trouvé mon boulot comme ça ».

Ainsi, elle travaille à domicile, écrit et publie… pour une maison de retraite (ça aussi, fallait l’trouver !). Elle offre « Du désir et de la jambe en l’air. Ça calmait les dépressions (…), les pulsions désordonnées et, surtout, ça stimulait les Alzheimer ».

 

Certains passages sont vraiment émouvants car la vie, c’est pas toujours rose. « Est-on coupable d’accepter ? D’accepter une vie contre soi ? Contre soi-même ». (…) C’est le vide, ici. La table mortuaire, la table avec ma fille dessus, occupe toute la place, en importance ».

 

La collection « Traversée » des éditions Harper Collins, découverte grâce au forum, se présente ainsi : « Si la traversée se fait seul, la puissance des histoires et des voix qui les portent se partage ».

C’est bien cette puissance que porte avec brio l’écriture d’Eliane Serre dans son premier roman. On peut sans crainte attendre le suivant !