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SophieCSB
Expert

Il y a 9 jours | 38 vues

Les fureurs invisibles du coeur, de John Boyne

1945 : Dans la très catholique Irlande, Catherine Goggin est bannie de son village pour être tombée enceinte sans être mariée. Elle remettra l’enfant à un orphelinat en espérant qu’il obtiendra une vie meilleure dans une autre famille. Ainsi Cyril Avery commence à raconter sa vie. Éduqué par des parents adoptifs originaux (lui banquier fraudeur et elle future auteure à succès), il tentera de vivre dans cette atmosphère guindée. Son amitié avec Julian, gamin de son âge, lui fera prendre conscience de son homosexualité. Voulant se fondre dans la société pour avoir la paix, il tentera par tous les moyens de lutter contre son penchant pour les hommes, en vain. Au gré de ses emplois et de ses voyages, Cyril cherchera le bonheur en allant parfois à l’encontre de ses envies et provoquera des dommages collatéraux autour de lui. L’apaisement tant recherché arrivera avec les changements de la société et la sagesse de la vieillesse.

 

La lecture de ce roman m’a véritablement enchantée. Tout d’abord, il y a ce personnage de Cyril, en quête d’identité et de bonheur. Son enfance entre deux adultes excentriques lui permet de vivre un peu à sa guise, et son amitié avec Julian sera son véritable socle. Élément déclencheur de bien des situations, il se forge une identité incompatible avec la société irlandaise de l’époque. Alors, il louvoie, se cachant ou fréquentant quelques filles pour donner le change. Ce perpétuel mensonge sur sa sexualité le ronge intérieurement, il est constamment entre non-dits et faux-fuyants. On a mal au cœur pour lui. Sa souffrance ne s’apaisera que bien plus tard, quand il vivra à Amsterdam, puis New York. Son retour en Irlande le remet face à son passé, mais le temps a arrondi les angles, effacé certaines rancœurs. Mais que de souffrances pour en arriver à la paix !

Le contexte historique est bien posé par l’auteur. L’Irlande de l’après-guerre est ultra conservatrice, catholique jusqu’à l’extrême, dirigée par des politiciens à la botte de l'Eglise. Alors forcément, l’homosexualité est impensable et jugée criminelle par une population bienpensante n’hésitant pas à « faire justice » elle-même. C’est donc un véritable calvaire que vit Cyril, obligé de se cacher pour avoir des relations qui ne le satisfont en rien. Les années 80 amèneront le SIDA ce qui ne fera que renforcer cette haine des gays. Le pays mettra beaucoup de temps à changer d’opinion mais finira par adopter les courants de tolérance et d’ouverture lancés dans le monde entier.

John Boyne est un formidable conteur, à l’écriture travaillée et accessible. Histoire à la fois tragique, épique et sociétale, la vie de Cyril Avery n’est pas un long fleuve tranquille mais l’auteur a su faire en faire un roman épatant, parfois drôle (merci les parents adoptifs !) et aussi intime. D’ailleurs je défie quiconque de ne pas avoir la larme à l’œil en fin de lecture. J’ai refermé ce roman avec regret et je recommande vivement cet ouvrage à toutes et tous.