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SophieCSB
Champion

Il y a 4 mois | 109 vues

Phoolan Devi, reine des bandits, de Claire Fauvel

1974, en Uttar Pradesh, l’un des états surpeuplés du nord de l’Inde. Phoolan Devi a neuf ans. Elle fait partie de la caste des Mallahs, les pauvres parmi les pauvres. La vie est difficile, et c’est peu de le dire. Entre sa famille exploitée par un cousin belliqueux et la recherche perpétuelle de nourriture, l’avenir est noir. Pourtant Phoolan rêve de justice et d’égalité. Elle rêve que les filles n’aient plus le regard inquiet et que les garçons soient moins arrogants.

Mariée à 11 ans à un homme brutal et vicieux, Phoolan s’enfuit, laissant derrière elle son enfance meurtrie. Arrêtée par la police, battue, violée, elle finit par être libérée. Mais sa soif de vengeance la poussera à commettre d'autres agressions qui l’obligeront à fuir une nouvelle fois, et à intégrer les Dacoïts, des bandits qui écument la région. Commence alors la nouvelle existence de Phoolan Devi, devenue reine des bandits, traquant les injustices, rendant aux pauvres ce qui a été pris par les riches. Elle aura sa propre bande et deviendra une vraie idole. Quelques années de prison plus tard, et après bien des changements politiques, elle finira députée. Sa mort tragique en 2001 ne fera qu’amplifier sa popularité.

 

J’avais déjà fait connaissance avec Phoolan Devi dans un album de Pénélope Bagieu, « Culottées », qui relatait la vie de femmes hors du commun, de celles qui ont refusé le rôle que les autres souhaitaient les voir jouer. Phoolan Devi entre définitivement dans cette catégorie. Dès sa petite enfance, elle se pose beaucoup de questions sur son sort, les traditions qui semblent immuables, sur toutes ces choses que l’on fait car « c’est comme ça ». Elle refuse tout d’un bloc, elle est entière, elle ne fait pas de concessions, ce qui la fera lutter contre bien des démons. Elle évite les sentiments qui pourraient lui faire oublier sa haine. Si son combat est admirable, sa vie reste dure, elle vieillit avant l’heure, son toit est la canopée des arbres. Mais elle est fidèle à sa lutte et sa persévérance est absolue.

Lire « Phoolan Devi, reine des bandits », c’est se plonger dans la lutte des classes indienne à travers le portrait d’une femme entière, combattante à toute heure, et porte-parole inconsciente de toute la population féminine exploitée de ce pays grand comme un continent. La préface de Claire Fauvel est très intéressante à lire aussi. Elle précise que le combat de Phoolan est double : pour les femmes contre le patriarcat, mais aussi contre « l’ordre religieux des castes ». Enfin, le graphisme général de ce roman graphique est épuré, simple mais précis, dans les tons ocre et vert de la terre et des forêts. Ainsi, rien ne nous est épargné, ni la violence, ni les blessures, ni la colère toujours très sonore dans les pages. Un très bel album, donc, dans sa forme et dans son fond.

A lire absolument