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mariefd
Champion

Il y a 16 jours | 66 vues

"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois. 2024

J'aime inconditionnellement Jean-Paul Dubois, depuis Compte rendu analytique d'un sentiment désordonné (1984) à Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (2019), en passant par Parfois je ris tout seul (1992), L'Amérique m'inquiète (1996), Une vie française (Prix du roman Fnac 2004)et l'inénarrable Vous plaisantez Monsieur Tanner (2006)!

Beaucoup de personnages ou de thèmes récurrents (le dentiste, la tondeuse à gazon, le rugby, l'ascenseur...), un narrateur (ou personnage principal) qui s'appelle souvent Paul, et quelque chose dont on sent bien que ce pourrait être du "vécu", dans l'art qu'il exerce à être drôle dans la tragédie ou lorsqu'il rend cocasses des situations qui sont objectivement tristes.

Paul commet donc un parricide, mais Thomas Lanski était déjà mort de mort naturelle quand il lui loge deux balles dans le crâne. Au regard de la loi, et parce qu'il y a eu une affaire semblable qui a fait jurisprudence, il n'est pas passible d'emprisonnement, mais seulement d'une obligation de soins. C'est avec Frédéric Guzman, psychiatre atteint d'un problème oculaire qui provoque un larmoiement continu... qu'il va, mois après mois, refaire l'histoire de ce terrible lien avec ce père coupable de l'avoir fait souffrir, comme sa mère, toute sa vie.

Douze séances pour douze chapitres, baignés dans une pluie perpétuelle ( nous sommes en 2031 ) pour apprendre la vengeance; mais il y a bien la juste dose d'humanité qui vient éclairer le noir de l'ensemble, accompagnée souvent d'une grande tendresse (évocation du frère et de la mère disparus, rencontre d'un chien improbable...).

"Les opéras grotesques, les dramaturgies familiales qui ont rythmé toute ma jeunesse ont sans doute sérieusement amoindri cet apport d'engrais initial, la confiance que je pouvais avoir en moi. Au lieu de fuir ce théâtre toxique, j'en suis au contraire devenu sociétaire. C'est dans ses loges que j'ai dormi, mangé, travaillé, appris et répété mon rôle de fils indésirable, c'est de là que j'ai regardé le monde extérieur par un hublot, comme le passager d'un bateau confiné dans sa cabine. Dehors, la mer, immense. Mais impossible de me jeter à l'eau, je ne sais pas nager. Alors je suis resté, aménageant un petit territoire dont je savais pourtant qu'il pouvait être violé à tout instant par un dément."